Un hypermarché Carrefour à Montreuil (Seine-Saint-Denis), en février. / Regis Duvignau / REUTERS

Qu’apprend-on en lisant la dernière enquête de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) sur la consommation et le pouvoir d’achat des ménages en 2017 ? Si l’on se contente des grands agrégats, pas grand-chose. La consommation, toutes dépenses confondues, décélère, avec une croissance moyenne de 1 % en 2017, après 2,1 % en 2016. Sans surprise, le pouvoir d’achat connaît une trajectoire similaire (+ 1,3 % après + 1,8 %). La cause de ce léger trou d’air : un revenu disponible brut – calculé en retranchant les cotisations sociales et impôts du salaire, des éventuels loyers et dividendes et des prestations que touchent les ménages – dont la dynamique ne compense pas le rebond des prix.

Mais que recouvrent ces tendances censées traduire, sous forme de moyennes, le comportement du Français (moyen) ? Pour répondre, il faut s’user un peu les yeux sur les tableaux de données. Dans l’alimentaire, les achats de viande plongent (-1,5 %), ainsi que les poissons et crustacés (-3,4 %) et les fruits et légumes (-0,9 %). Restent le pain, les céréales, le lait, le fromage et les œufs, qui ont plutôt la cote. Afin de conserver ces denrées, les Français ont craqué l’an dernier pour les… réfrigérateurs et congélateurs, plus pratiques que les téléviseurs, stars de 2016.

Part croissante des dépenses contraintes

Mais, ce que ne disent pas, ou mal, ces colonnes de chiffres, c’est la part toujours croissante des dépenses contraintes dans le budget de certains. L’Insee, qui préfère parler de « dépenses pré-engagées », y associe les frais de loyer, de gaz, d’eau, d’électricité, d’abonnements divers et d’assurances. En moyenne, elles ont représenté 29,4 % du revenu disponible brut en 2017. Mais le chiffre grimpe à 61 % pour les ménages pauvres, selon une note de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees) datée de mars 2018.

Or, plus les dépenses contraintes pèsent sur le revenu disponible, plus le pouvoir d’achat se réduit. Et, « depuis la crise, celui de la classe moyenne a crû beaucoup moins vite que les autres », observe Pascale Hebel, directrice du Pôle consommation et entreprise du Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Credoc). « La part des loisirs et de l’alimentation n’augmente réellement que chez les classes aisées et supérieures. Pour les jeunes et les plus modestes, c’est le prix du logement et les frais afférents comme l’eau et l’électricité qui conditionnent tout. » De quoi expliquer une grande part de l’écart entre la perception commune et les « vérités » statistiques.