L’économie ivoirienne menacée par le réchauffement climatique
L’économie ivoirienne menacée par le réchauffement climatique
Le Monde.fr avec AFP
Le changement du régime des pluies et l’assèchement des terres cultivables menacent directement les cultures, dont celle du cacao.
Une cargaison de cacao à Saf-Cacao, l’une des usines de San Pedro, le principal port exportateur de cacao du sud-ouest de la Côte d’Ivoire, le 28 octobre 2004. / Luc Gnago / REUTERS
L’économie de la Côte d’Ivoire reste sur un rythme de croissance robuste, mais elle est menacée par l’impact du réchauffement climatique de la planète, a mis en garde la Banque mondiale, qui a poussé un « cri d’alarme » dans un rapport publié jeudi 12 juillet. « La Côte d’Ivoire apparaît comme l’un des pays les plus vulnérables de la planète à ce phénomène », a déclaré Pierre Laporte, le directeur des opérations de la Banque pour la région, cité dans le rapport économique semestriel de l’institution, intitulé « Pour que demain ne meure jamais ».
L’économie ivoirienne, l’une des plus dynamiques du monde depuis 2011 avec une moyenne annuelle de 8 %, « devrait rester sur un sentier de croissance autour de 7 à 7,5 % ces prochaines années », a estimé l’institution. Mais il faut « une prise de conscience urgente et collective » et des « décisions immédiates » pour faire face au risque climatique, a plaidé M. Laporte, pour qui, en particulier, la « survie de la filière du cacao » est en jeu.
« Des forêts presque totalement détruites »
Le cacao, dont la Côte d’Ivoire est le premier producteur mondial, représente 10 % du PIB, un tiers des exportations, et fait vivre 5 millions de personnes (soit un cinquième de la population), selon la Banque mondiale. Le réchauffement des températures, le changement du régime des pluies et l’assèchement des terres cultivables menacent directement les cultures.
L’institution financière a rappelé que la Côte d’Ivoire, qui a énormément misé sur l’exploitation de ses ressources naturelles pour se développer, « a perdu près d’un tiers de son stock de ressources naturelles depuis vingt-cinq ans », que « les forêts sont presque aujourd’hui totalement détruites ». Quelque « 60 % des forêts ont disparu depuis 1990 », en grande partie à cause de la culture du cacao.
Conséquence déjà visible du réchauffement, « de nombreux villages côtiers disparaissent progressivement sous les eaux des océans ». « Plus de deux tiers du littoral ivoirien est affecté par des phénomènes d’érosion côtière ». Et la pêche risque de baisser de 50 % à cause des changements bioclimatiques affectant l’océan Atlantique.
« Les coûts du réchauffement climatique sur les infrastructures seront immenses » a encore prévenu l’institution. « Les centrales électriques, les routes, les barrages hydrauliques sont tous vulnérables » et « les coûts de réhabilitation très élevés. »
Un taux de pauvreté toujours très élevé
« Comme la vaste majorité des pays du continent africain, la Côte d’Ivoire ne contribue que marginalement à l’effet de serre », et elle est donc plus victime que responsable du réchauffement du climat, a noté la Banque mondiale. Mais « sans mesures adéquates », « les changements climatiques mettront en péril les progrès » de l’économie ivoirienne.
Si elle salue le dynamisme économique du pays dans de nombreux secteurs (agriculture, services, télécommunications), et la bonne gestion des comptes publics, l’institution s’inquiète cependant du taux de pauvreté toujours très élevé, qui n’a baissé que de cinq points entre 2011 et 2015, pour s’établir à 46,3 % : « Mieux redistribuer les fruits de la croissance est l’un des défis majeurs de la Côte d’Ivoire. »
La Banque mondiale estime encore que la Côte d’Ivoire, si elle maintient durablement son rythme de croissance actuel, « devrait rejoindre le groupe des économies intermédiaires en 2035 ». L’objectif officiel du gouvernement, récemment réaffirmé par le premier ministre Amadou Gon Koulibaly, est de faire de la Côte d’Ivoire « un pays émergent en 2020 ». Mais le gouvernement n’a pas clairement précisé jusqu’à présent sur quels critères socio-économiques il définissait « l’émergence ».