En Tunisie, deux procès s’ouvrent pour rendre justice aux victimes de la révolution
En Tunisie, deux procès s’ouvrent pour rendre justice aux victimes de la révolution
Le Monde.fr avec AFP
Les juges vont se prononcer sur la culpabilité de 11 personnes, dont le président déchu Ben Ali et son ex-ministre de l’intérieur, absents des audiences.
Des familles de victimes de la révolution tunisienne dans le palais de justice de la ville de Kasserine, au centre du pays, le 13 juillet 2018. / HATEM SALHI/AFP
Pour la première fois, la justice transitionnelle en Tunisie a ouvert, vendredi 13 juillet, deux procès pour juger les responsables présumés de la mort de plusieurs manifestants lors de la révolution qui a abouti à la chute de la dictature, le 4 janvier 2011. Dans une petite salle du tribunal de première instance de Sidi Bouzid, la ville d’où partit le soulèvement populaire après l’immolation par le feu du jeune vendeur ambulant Mohamed Bouazizi le 17 décembre 2010, les familles des victimes et des représentants de la société civile se sont pressés avec émotion pour suivre les débats.
Quelque 338 Tunisiens ont été tués et 2 174 blessés durant le soulèvement populaire qui lança le « printemps arabe » entre fin 2010 et début 2011, dont la majorité à Tunis et dans le centre-ouest du pays, selon un bilan officiel. Plus de sept ans après les faits, les juges spécialisés vont devoir se prononcer sur la culpabilité de 11 personnes – dont le président déchu Zine El-Abidine Ben Ali, son ex-ministre de l’intérieur et des membres de la Garde nationale – pour la mort d’un ingénieur informatique et d’un étudiant tués par balles après avoir manifesté contre le pouvoir le 24 décembre 2010 dans la ville de Menzel Bouzayane, à 60 km de Sidi Bouzid.
Ils sont également accusés d’être responsables pour les blessures de quatre autres manifestants et doivent répondre d’« homicide volontaire avec préméditation » et de « tentative d’homicide volontaire avec préméditation ». Aucun des accusés n’était présent à l’audience, a constaté une journaliste de l’AFP, à la grande déception des proches des victimes.
« Fidèles aux martyrs »
La tension est montée au fur et à mesure que le début de l’audience était repoussé. Celle-ci a finalement débuté avec deux heures de retard, « un très mauvais signe », selon un proche de victime. « Fidèles aux martyrs ! », ont crié des membres du public indignés à l’entrée des juges dans la salle.
Chawki Hidri, ingénieur en informatique, est décédé à l’âge de 43 ans, huit jours après avoir été blessé par balles au niveau de la colonne vertébrale et de l’épaule lors de ces affrontements. Mohamed Amari, un étudiant de 25 ans, a perdu la vie après avoir été touché par deux balles à la poitrine.
Un autre procès visant les responsables présumés de la mort de vingt manifestants lors de la révolution s’est aussi ouvert vendredi à Kasserine, ville voisine de Sidi Bouzid, dans le centre-ouest la Tunisie. Les proches ont brandi des photos des victimes dans la salle d’audience.
Ces procès sont les premiers instruits par l’Instance vérité dignité (IVD) chargée de rendre justice aux victimes de la dictature en Tunisie. Jusqu’ici, la justice spécialisée n’avait jugé que des affaires concernant la mort sous la torture d’opposants islamistes et de gauche sous les régimes autoritaires de Habib Bourguiba et de Zine El-Abidine Ben Ali.