Le président russe Vladimir Poutine, jeudi 1er mars, après son adresse annuelle au Parlement. / Mikhail Klimentyev / AP

Après avoir entendu les quelque deux heures du discours de Vladimir Poutine, jeudi 1er mars, toute l’élite politico-économique réunie près du Kremlin était aux anges. Visage ferme et ton froid, le président russe a terminé son adresse annuelle au Parlement par une impressionnante démonstration de force militaire, consacrant une longue demi-heure aux seules nouvelles armes balistiques nucléaires de haute technologie de l’armée russe, qui surpasseraient tout système de défense au monde. « Personne ne voulait nous parler, personne ne voulait nous écouter. Ecoutez désormais », a averti Vladimir Poutine.

La cible de ses propos était claire : les Etats-Unis. Dans l’une des six vidéos projetées sur écran géant, l’un de ces nouveaux missiles était vu ainsi en train de filer au-dessus de l’Atlantique pour survoler ensuite le territoire américain. D’autres images choc montraient un système de défense hypersonique « suivant sa cible comme une météorite », un missile de croisière nucléaire difficile à détecter, un mini-submersible et un drone à propulsion nucléaire, un missile au rayon d’action illimité capable de contourner toute ligne d’interception et même une arme laser « dont il est trop tôt pour évoquer les détails ».

« Grâce à Poutine, on peut dormir tranquille »

La conclusion de ce discours retransmis en direct à la télévision russe était une adresse à peine voilée aux puissances occidentales qui, depuis l’annexion de la Crimée en mars 2014, ont imposé de nombreuses sanctions économiques au pays :

« A ceux qui ont tenté de profiter de la Russie, qui ont introduit des sanctions internationales illégales pour enrayer le développement de notre pays, y compris dans le domaine militaire, je vais le dire : ce que vous avez entrepris pour gêner, empêcher, entraver la Russie a échoué. »

Une tirade patriotique accueillie par des tonnerres d’applaudissements dans la salle, qui devrait accroître encore un peu plus la cote de Vladimir Poutine, à deux semaines de l’élection présidentielle du 18 mars. Fort de sondages qui lui donnent plus de 70 % des suffrages et d’une popularité réelle quoique fortement orchestrée par la propagande, le président russe est assuré de garder un pouvoir qu’il détient pourtant depuis dix-huit ans.

Après le discours, Andreï Nikitine, gouverneur de la région de Novgorod, exulte : « Grâce à Poutine, on peut dormir tranquille. La Russie est bien défendue. » Jeune et libéral sur les sujets économiques, l’homme s’inscrit bien dans la ligne politique présidentielle. De son côté, un sénateur du parti du Kremlin assure : « C’était un discours de paix. Un avertissement pour qu’on nous respecte et non une menace d’attaque. » Tous deux reprennent la logique du président : « La Russie s’arme mais ne menace personne, n’a aucun projet d’utiliser ce potentiel de façon offensive mais permet au contraire de maintenir un sain équilibre des forces dans le monde. »

Les défis économiques et sociaux négligés

Le président russe Vladimir Poutine, jeudi 1er mars, au cours de son adresse annuelle au Parlement. / YURI KADOBNOV / AFP

Cet étalage militaire a fait passer au second plan la première moitié du discours de Vladimir Poutine. Ses propos sur les défis économiques et sociaux étaient en grande partie une synthèse et un copié-collé de ce qu’il rappelle chaque année au fil de ses adresses au Parlement : booster la natalité, construire des logements, augmenter les retraites, investir dans les infrastructures, augmenter le salaire minimum… Sans idée ni proposition nouvelle pour le développement du pays.

Mais, depuis les infirmières jusqu’aux propriétaires d’automobiles, en passant par les malades du cancer et les défenseurs de l’environnement, personne n’a été oublié dans ce discours à l’évidente dimension électorale. Vladimir Poutine, qui ne participe pas aux débats et ne mène pas campagne, n’a certes pas une seule fois mentionné le scrutin du 18 mars. Mais il s’est engagé : durant les six prochaines années – la durée d’un mandat présidentiel –, il augmentera le niveau de vie des Russes et divisera par deux le taux de pauvreté.

Le début de son discours recelait par ailleurs une autre promesse : « Pour aller de l’avant, pour se développer de manière dynamique, nous devons élargir notre espace de liberté, et dans tous les domaines : renforcer les institutions démocratiques, l’autonomie locale, les structures de la société civile, les tribunaux. » Sans plus de détails. Personne ne s’est toutefois interrogé sur la signification réelle de ces propos. L’étalage de missiles a tout écrasé.