Maxime Toubart s’apprête à donner son premier coup de sécateur samedi 25 août. Les pinots noirs seront les premiers à tomber dans les cuves. Le coprésident du Comité Champagne, vigneron au Breuil, dans la Marne, a le sourire. « La vendange s’annonce très bonne tant en quantité qu’en qualité. Certains vignerons disent ne pas se souvenir d’une année comparable », affirme-t-il.

La satisfaction champenoise illustre le rebond attendu de la récolte viticole française 2018. Selon les chiffres publiés, vendredi 24 août, par Agreste, le service des statistiques du ministère de l’agriculture, la production hexagonale pourrait s’élever à 46,1 millions d’hectolitres. Soit un rebond de près de 25 % par rapport à celle de 2017, une vendange maigrelette, il est vrai, de 37,2 millions d’hectolitres, décimée par des épisodes calamiteux de gel, de grêle et de sécheresse. Dans les annales, 2017 restera comme la plus petite récolte depuis 1945.

C’est dire si le retour à meilleure fortune était espéré. Toutefois, les chiffres ministériels, issus de sondages, sont encore à prendre avec beaucoup de précaution. Les professionnels attendent la fin de la collecte des raisins, qui vient à peine de commencer, pour se prononcer.

Du mildiou dans le Sud

Ainsi, Bernard Farges, vice-président du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB), prudent, se refuse à avancer des chiffres. D’autant que les vendanges progressent lentement et que le gros des rouges ne sera coupé qu’entre le 15 et le 20 septembre. « Entre les épisodes de grêle et le mildiou, ce ne sera pas une grosse récolte », affirme M. Farges. Mais les viticulteurs bordelais espèrent qu’elle sera bien plus volumineuse que celle de 2017, limitée à 3,5 millions d’hectolitres.

La grêle a touché plus ou moins méchamment près de 10 000 hectares de vignes en Gironde. Mais, surtout, les fortes pluies en mai et en juin ont favorisé le développement du mildiou. Bordeaux a l’habitude de batailler avec cet ennemi du raisin. Fait nouveau cette année, cette maladie a pris ses aises dans les vignobles du Sud de la France. Comme dans le Languedoc, plus grosse région productrice française.

« Le printemps a été très pluvieux et il ne s’est mis à faire beau que début août, il y a eu des attaques de mildiou », explique Jérôme Villaret, directeur général du Conseil interprofessionnel des vins du Languedoc. Il ne se prononce pas sur les volumes attendus, mais table sur « une récolte moyenne, au-dessous des 13 millions d’hectolitres ». Comme chaque année, c’est le village de Fitou, dans l’Aude, qui a donné le coup d’envoi des vendanges en France, le 7 août.

Dans d’autres régions, c’est la sécheresse qui préoccupe. Comme en Alsace. « Notre coopérative regroupe 1 200 hectares étalés sur 80 kilomètres, donc, nous avons une bonne vision d’ensemble », souligne Hervé Schwendenmann, président de Wolfberger. Il ajoute : « Qualitativement, les raisins sont bien mûrs. Quantitativement, le potentiel était là. Mais des secteurs ont souffert de la sécheresse. Les raisins se vident de leur eau et l’acidité est en chute libre. Il n’a pas plu depuis début juin, à l’exception de quelques orages. » Les températures élevées contraignent aussi les vendangeurs à travailler en horaire décalé, de 6 h 30 à 12 h 30.

Dans le Beaujolais et en Bourgogne, les premières coupes sont attendues la semaine prochaine. Le moral est au beau fixe. « Le vignoble est sain, il n’a pas souffert de la grêle, cette année. Avec un été très favorable, nous devrions avoir dans l’ensemble une belle récolte en quantité. Même si, ici ou là, des raisins souffrent de la chaleur », raconte Louis-Fabrice Latour, président du Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne.

« Tous les voyants au vert »

Dans la dernière ligne droite avant l’entrée en scène des vendangeurs, Inter Beaujolais est optimiste : « Aucun incident climatique n’ayant entamé le potentiel de récolte, nous sommes dans le cadre d’une récolte équitable, du sud jusqu’au nord, en termes de quantité. » Et l’union interprofessionnelle d’ajouter : « Un état sanitaire excellent, un sol très sec et une météo à quinze jours qui semble bienveillante… A ce jour, tous les voyants sont au vert pour faire en 2018 de grands vins en Beaujolais ! »

Tout aussi satisfaite, la Champagne se distingue cette année par la précocité de la vendange. Dans certaines communes, elles ont débuté le 20 août. Dans ce vignoble très organisé, le Comité Champagne a fixé les rendements en fonction des prévisions de vente des maisons de négoce. « Nous avons fixé le rendement cette année à 10 800 kg de raisin par hectare, ce qui correspond à 310 millions de bouteilles. Nous en avons vendu 307 millions en 2017 », explique M. Toubart.

Surtout, les vignerons champenois vont pouvoir reconstituer leur réserve individuelle, composée d’une production additionnelle de 3 100 kg à l’hectare. Ceux qui avaient été touchés par le gel et la grêle en 2017 avaient dû puiser dans cette réserve. « Cela va remettre tout le monde à flot », se réjouit M. Toubart. Et le prix du raisin champenois ne devrait pas baisser.