« Olive & Tom », « Dragon Ball »… Plongée dans les jeux vidéo adaptés des mangas des années 1980
« Olive & Tom », « Dragon Ball »... Plongée dans les jeux vidéo adaptés des mangas des années 1980
Par William Audureau
Pixels a testé la Famicom Mini Shônen Jump, réédition d’une console japonaise 8-bits de Nintendo, et de vingt jeux d’époque dédiés à des dessins animés de l’ère « Club Dorothée ».
« Ken le Survivant », « Dragon Ball 3 », « Olive & Tom »… Nintendo réédite au Japon vingt jeux de l’âge d’or de Shonen Jump, dont la plupart inédits en France. / NINTENDO/SHUEISHA
« Marty, prépare la DeLorean, nous repartons dans le passé ! (Et prends aussi ton passeport, on va au Japon). » Mi-juillet, Nintendo a commercialisé au pays de Tezuka la Nintendo Classic Mini Family Computer Shûkan Shonen Jump, ou Famicom Mini Jump pour les intimes, une machine au design des années 1980, intégrant vingt adaptations d’époque de dessins animés en jeux vidéo 8-bits.
Côté japonais, cette sortie commémore les 50 ans du Weekly Shonen Jump, magazine de prépublication culte au Japon, qui est à l’origine de la plupart des licences plus tard diffusées sur la Cinq et dans le Club Dorothée. Olive & Tom, Les Chevaliers du Zodiaque, Dragon Ball, Ken le survivant ou encore Muscle Man… Des franchises parmi les plus iconiques de la célèbre émission de jeunesse de l’époque sont ici jouables, déclinées en onze jeux différents, la plupart inédits en France.
A ces onze-là s’ajoutent des titres plus confidentiels, comme le premier épisode de la série Dragon Quest (qui a inspiré le manga et dessin animé Fly) ; ainsi que les jeux inspirés de Talulu le magicien et Racaille Blues (deux mangas traduits à partir de 2002). Les autres productions sont encore plus obscures, car totalement inédites chez nous, comme les aventures du lycée privé de Sakigake !! Otokojuku, l’épopée militaire chinoise de Tenchi wo Kurau ou les histoires entre archéologie, surnaturel et horreur de Ankoku Shinwa.
Bip-bip, pixels saturés et univers fantaisistes
Dès la console allumée, la machine à voyager dans le temps et l’espace nous ramène à cette décennie de bip-bip entraînants, de pixels hauts en couleurs et d’univers fantaisistes. Evidemment, on y cherchera en vain les génériques français d’époque de Bernard Minet, mais les amateurs de version originale reconnaîtront avec plaisir les thèmes principaux de Captain Tsubasa (nom original d’Olive & Tom), « Moete Hero » ; de Dragon Ball, « Mashafushigi Adventure » ; et surtout l’inénarrable « Pegasus no Fantasy » de Saint Seiya (Les Chevaliers du Zodiaque), qui chaque fois qu’on l’écoute, donne envie d’envahir le temple du Taureau. En version chiptune – de la musique 8-bits, cela va de soi.
Dragon Ball - Shenlong no Nazo (FC)
Durée : 01:04:24
Les nostalgiques français de la NES retrouveront même en VO deux jeux qu’ils sont susceptibles d’avoir connus : Dragon Ball : le secret du dragon et Les Chevaliers du Zodiaque : la légende d’or. Ces deux titres ont à l’époque été commercialisés dans l’Hexagone, et même, fait rare, entièrement traduits dans la langue de Goscinny. Bandai était alors à la fois le distributeur officiel français de la NES et l’ayant-droit de ces licences en jeux vidéo, et faisait tout pour les favoriser commercialement.
Mais le temps aux plus belles choses se plaît à faire un affront, et il a su faner nos skills en recherche de boules de dragon. On a ainsi vu un émérite collègue, d’ordinaire prompt à défendre les productions élitistes, se casser les dents contre le premier boss de Dragon Ball après avoir prétendu l’avoir fini dans une autre vie. La vieillesse est un naufrage, surtout manette en main.
Références nazies, gore et Monopoly
Mais l’intérêt de cette Famicom Mini Jump réside surtout dans la découverte des jeux inédits. Il y en a de plusieurs sortes. Certains auraient mérité de sortir chez nous, comme le premier Kinnikuman (Muscle Man en VF), sympathique petit jeu de catch avec jauges de vie, personnages loufoques et coups de pied planés des familles – accessoirement seul titre jouable à deux en même temps de cette compilation.
Kinnikuman - Muscle Tag Match (FC)
Durée : 54:13
Il aurait pu voir le jour en France si le dessin animé n’avait pas été déprogrammé – la faute à la présence d’un personnage fictif de catcheur nazi pas franchement apprécié du CSA. Sa suite Kinnikuman : Kinniku-sei Ōi Sōdatsusen n’a pas eu plus de chance, pas plus que Hokuto no Ken (titre original de Ken le Survivant). Mais il y a moins lieu de les pleurer : il s’agit de banals jeux de castagne absurdement difficiles et répétitifs, dont l’unique originalité consiste, dans le second, à faire imploser les ennemis en lambeaux sanguinolents. Pouce rouge de Bandai.
Le plus étonnant, ce sont encore les concepts inattendus qui sont appliqués à certaines licences. Du combat dans « DBZ » ? Du football en temps réel dans Olive & Tom ? Que nenni. Dragon Ball : Daimaō Fukkatsu et Dragon Ball Z : Kyôshū ! Saiyan, consacrés aux arcs Piccolo et Vegeta, sont des jeux d’aventure au tour par tour avec des déplacements en case par case, façon Monopoly, et un système de combats par cartes guère excitant ni intuitif.
Quant à Captain Tsubasa et Captain Tsubasa II : Super Strike, ils mettent en scène des matchs de football très fidèles dans l’esprit à ceux du dessin animé, mais au tour par tour, façon jeu de rôle. Atypique et plus prenant qu’on le croirait, mais trop dissuasif pour les enfants français des années 1980, semblait-il, aux yeux des décideurs.
Captain Tsubasa Vol. II Super Striker Famicom
Durée : 05:46
Un angle mort de l’histoire du jeu vidéo
D’une manière générale, là où la plupart des licences de mangas sont de nos jours traduites en jeux de combat – comme Dragon Ball FighterZ, Jump Force ou encore Naruto to Boruto : Shinobi Striker –, à l’époque, le genre n’est pas encore développé. On ne compte que trois titres où le joueur avance à coups de poings, et aucun basé sur des face-à-face martiaux : Street Fighter II, le jeu qui lancera la mode en 1991, n’est tout simplement pas encore passé par là.
Hokuto no Ken (FC)
Durée : 11:49
Le genre alors surreprésenté est celui du jeu de rôle, registre qui semble alors obséder les développeurs japonais. Importé en 1981 avec Wizardry et Ultima, deux productions anglo-saxonnes à l’influence majeure sur l’archipel, le genre décolle véritablement en 1986, grâce à l’arrivée des disquettes sur Famicom. Celles-ci permettent de stocker et d’afficher des idéogrammes complexes et d’enregistrer une partie en cours. Un boulevard s’ouvre pour les jeux narratifs et les aventures de longue haleine.
Dans le même temps, Weekly Shonen Jump, magazine phare avec son tirage de plus de 3 millions d’exemplaires, mandate son dessinateur star Akira Toriyama et son chroniqueur jeu vidéo, Yuji Horii, pour créer un jeu de rôle « typé manga ». Ce sera Dragon Quest, jeu phénomène qui lance la mode et le savoir-faire japonais.
Outre le tout premier Final Fantasy, il inspire de nombreuses adaptations de dessins animés en jeux vidéo, comme plusieurs Ken le Survivant, Olive & Tom et Chevaliers du Zodiaque présents dans cette compilation. En tout, onze des vingt jeux de la Famicom Mini Jump sont des jeux de rôle. Un genre bavard et complexe, quasi-hermétique si on ne maîtrise pas la langue, et longtemps jugé inexportable. Il faudra attendre 1997 et le succès international de Final Fantasy VII pour que le très grand public français découvre le savoir-faire nippon en la matière.
Saint Seiya - Ōgon Densetsu Kanketsu Hen (FC)
Durée : 01:05:25
Un rêve d’autrefois
Avec son packaging au format d’un authentique Weekly Shonen Jump des années 1980, la Famicom Mini Jump est donc un magnifique cadeau, mais pour collectionneur, archéologue du jeu vidéo, ou étudiant en deuxième année de japonais.
Trouvable pour environ 150 €, la Famicom Mini est compatible avec les téléviseurs et alimentations françaises, ce qui n’était pas le cas de la console d’origine. / NINTENDO
Pris pour eux-mêmes, à l’exception de Kinnikuman : Muscle Tag Match et des adaptations d’Olive & Tom avec quelques notions rudimentaires de japonais, la plupart des titres sont difficiles à jouer, la faute à la barrière de la langue autant qu’à des mécaniques de jeu vieillies, certains concepts contre-intuitifs et une difficulté aride.
De passage devant le téléviseur, un confrère né après 1993, nous a fait cette remarque très juste : « Les joueurs de l’époque sont des héros. Ils ont accepté de jouer à ça, pour qu’on ait les bons jeux que l’on a aujourd’hui. » Factuellement, c’est exact : la Famicom Mini Jump est une console de héros. Autant que les joueurs en soient un peu aussi.
La machine, miniature, ultralégère et dorée, rappelle par ailleurs en de nombreux points la NES Mini, dont elle est la cousine, mais avec un design inédit en France. De ce point de vue, elle le charme de cet exotisme mâtiné d’élitisme des pages import des magazines de jeux vidéo d’antan, à la différence qu’il n’est pas exagérément compliqué de se la procurer ou de la brancher. Elle se trouve aisément en ligne ou dans les boutiques d’import, tourne parfaitement sur une télévision française, et fonctionne avec n’importe quel bloc d’alimentation de smartphone. Et ça, c’était inespéré à l’époque.