Comment une antilope aquatique pourrait doper l’écotourisme au Bénin
Comment une antilope aquatique pourrait doper l’écotourisme au Bénin
Par Hermann Boko et Michaël Tchokpodo (contributeurs Le Monde Afrique, Cotonou)
Dans le sud du pays, une ONG a créé une réserve naturelle en associant étroitement la population locale à son fonctionnement.
Le sitatunga, une espèce d’antilope en voie de disparition au Bénin. / DR
Dans l’arrondissement de Zinvié, qui regroupe onze villages à 30 km de Cotonou, la capitale économique du Bénin, les deux tiers du territoire sont constitués de bas-fonds et de plaines inondables. Au milieu de ces marécages qui s’étendent à perte de vue, sur une trentaine d’îlots parsemés de bosquets, cohabitent plus de 900 espèces animales et végétales. C’est ici que le Béninois Martial Koudèrin et le Français Damien Martin ont fondé, en 2005, le Centre régional de recherche et d’éducation pour un développement intégré (Credi), une ONG qui promeut l’aquaculture intégrée, l’agriculture paysanne et la protection de l’environnement.
Tout a commencé lorsque les deux amis ont ouvert une ferme aquacole. « Nous étions bien intégrés dans le village et les populations venaient régulièrement nous proposer des animaux tués à la chasse, se rappelle Martial Koudèrin. Au début, c’était amusant, mais petit à petit ça devenait trop, et cela nous a interpellés » L’appétence des villageois pour la viande de brousse menaçait surtout le sitatunga, une antilope aquatique en voie de disparition au Bénin et dans plusieurs pays africains. L’animal, au pelage brun foncé avec une tache blanche à la gorge, vit principalement dans cette partie humide du pays.
Crocodiles nains
Martial Koudèrin et Damien Martin décident alors de préserver cette vallée dite du « sitatunga », qui s’étend sur 670 km2. Ils y découvrent une grande biodiversité, avec plusieurs dizaines d’espèces de serpents, de mammifères, de poissons, et la présence de crocodiles nains – ainsi que de 80 sitatungas. « Nous avons des forêts, des marécages et des animaux de toutes sortes, constate Adèle, une autochtone. Mais nous ne savons pas comment exploiter et valoriser ces ressources végétales et animales. »
Le Credi a cherché à impliquer les populations locales dans la protection de l’environnement en développant l’écotourisme. A l’entrée de la vallée, l’ONG a érigé un refuge animalier qui recueille et soigne reptiles, singes, rongeurs, crocodiles blessés ou en danger. Un enclos a aussi été aménagé pour garder une dizaine de sitatungas, ce qui permet de présenter ces animaux aux jeunes scolaires et aux visiteurs. Selon les fondateurs du Credi, 5 000 touristes sont attendus sur l’année 2018.
L’objectif de l’ONG, à terme, est que la réserve naturelle communautaire soit totalement gérée par la population. « Nous impliquons les autochtones dans toutes nos actions, nous leur offrons des formations et stages sur les différentes composantes de nos activités, pour leur permettre une meilleure gestion des ressources naturelles », précise Gisèle Soké, assistante chargée du tourisme. Ainsi, plus de 400 chasseurs ont été sensibilisés aux espèces protégées et à la législation en vigueur au Bénin, et c’est en partie grâce à eux que le Credi a pu faire un état des lieux de la faune dans la vallée.
Epargne villageoise
Au sein de la réserve, trois étangs servent de ferme aquacole pour l’élevage des tilapias et des clarias (une sorte de poissons-chats). Un système d’épargne villageoise a été mis en place pour financer l’agro-écologie et les activités génératrices de bénéfices des communautés paysannes. « Grâce au Credi, notre situation s’améliore et nous comprenons quelle doit être notre action pour préserver la nature », reconnaît Adèle. Un programme de salubrité a par ailleurs été mis en place, avec les concours « Maison verte » et « Village vert », pour récompenser les efforts de conservation des ressources naturelles et de gestion des déchets.
Le parc naturel communautaire se présente également comme un puits de carbone et favorise la production d’oxygène et le recyclage de la nécromasse (matière organique morte). Avec un budget annuel de 120 millions de francs CFA (183 000 euros), l’ONG espère faire de la vallée du sitatunga une destination touristique incontournable au Bénin.