Coupe Davis : sans Nadal, l’Espagne s’en remet à ses joueurs de l’ombre
Coupe Davis : sans Nadal, l’Espagne s’en remet à ses joueurs de l’ombre
Par Alexandre Pedro
Privés de leur numéro 1, blessé, les Espagnols comptent sur Pablo Carreno Busta et Roberto Bautista Agut pour défier l’équipe de France en simple, à Villeneuve-d’Ascq.
Un seul être vous manque et tout n’est pas dépeuplé, mais beaucoup plus ouvert pour votre adversaire. Yannick Noah peut toujours regretter, « en tant que fan de tennis », le forfait de Rafael Nadal, blessé à un genou, pour la demi-finale de Coupe Davis opposant la France à l’Espagne, qui se déroulera du 14 au 16 septembre au stade Pierre-Mauroy de Villeneuve-d’Ascq, l’action des Français remonte en flèche.
« Quand Nadal joue, c’est quasiment deux points assurés pour l’Espagne », a commenté, mardi, le capitaine tricolore. « Les Français se retrouvent bien plus favoris, désormais », appuie son homologue espagnol, Sergi Bruguera.
Si ce dernier, ancien double vainqueur de Roland-Garros se gardait jusqu’à mercredi pour arrêter sa composition d’équipe, la logique du classement ATP voudrait que Pablo Carreno Busta (21e, 27 ans) et Roberto Bautista Agut (26e, 30 ans) soient alignés pour les matchs de simple de vendredi.
En dehors de leur nom de famille composé, le blond des Asturies et le brun de la région de Valence partagent quelques points communs. A l’aise sur surface rapide (comme ça sera le cas à Villeneuve-d’Ascq), les deux collent mal au cliché du joueur espagnol incapable de s’exprimer sans terre battue sous ses chaussures. Pas vraiment précoces, ils ont intégré les 50 meilleurs joueurs mondiaux à 25 ans passés.
A sa décharge, Bautista Agut a longtemps préféré le football et est même passé par le centre de formation de Villarreal. « J’étais meilleur qu’au tennis. Je jouais comme avant-centre. Je n’étais pas très technique, mais je marquais beaucoup de buts. J’étais du genre à marquer de l’oreille », déclarait-il en 2014.
Carreno Busta, lui, a vu son début de carrière gâché par des problèmes de dos. En 2016, il rejoint l’académie dirigée par Juan-Carlos Ferrero (vainqueur de Roland-Garros en 2003). Un déclic pour lui : « J’ai beaucoup gagné en confiance et en agressivité dans mon jeu. »
L’impossible comparaison
Roberto Bautista Agut après sa victoire contr le Croate Skugor, le 5 février 2017 à Osijek / - / AFP
Depuis trois saisons, les deux Espagnols mènent leur carrière avec une régularité remarquable, quelques coups d’éclats (une demi-finale de l’US Open en 2017 pour Carreno Busta, huit tournois gagnés pour Bautista Agut). Dans d’autres pays, ils seraient sans doute des petites vedettes. Mais en matière de tennis, l’Espagne est une infante gâtée depuis quelques décennies.
« Si j’étais bulgare ou slovaque, mes résultats auraient davantage de répercussions, avance Bautista Agut. Nous avons à la chance d’avoir Rafa [Nadal], mais il faut avouer qu’il éclipse tout le reste. »
Si le champion aux 17 victoires en Grand Chelem est connu pour sa proximité avec ses deux compatriotes en dehors des courts, eux avouent parfois souffrir de l’impossible comparaison. « On en sortira toujours perdant, dit Carreno Busta. Moi je ne le fais jamais, ça serait stupide. »
En Coupe Davis, elle est inévitable et parfois cruelle. Invité à pallier l’absence du Majorquin en 2014, Bautista Agut perd ses deux matchs de simple face à l’Allemagne pour son baptême du feu. Carreno Busta trébuche de son côté, en 2017, contre le Croate Franko Skugor (classé en deçà de la 300e place mondiale), comme pétrifié par l’enjeu de représenter son pays.
A leur décharge, les deux Espagnols ne sont pas les seuls marqués par ces défaites dans une compétition à laquelle peur et irrationnel se mêlent souvent. « Ce sont deux bons joueurs dont le niveau moyen se situe entre la 10e et la 30e place mondiale, évalue Jean-Paul Loth, capitaine de l’équipe de France entre 1980 et 1987. Avec eux, on sait à quoi s’attendre. Des Lucas Pouille ou Richard Gasquet n’ont pas de complexe à avoir face à eux. »
Mais la réciproque est vraie. Les résultats des Français ces derniers temps n’ont pas de quoi effrayer. Et l’historique serait plutôt du côté espagnol dans l’optique des deux premiers simples. Richard Gasquet n’a jamais battu Carreno Busta en deux matchs et Lucas Pouille reste sur une finale perdue face à Bautista Agut à Dubaï en mars (et trois défaites en quatre rencontres). De quoi donner confiance à Sergi Bruguera ? « Même sans Rafa, on a une très bonne équipe », veut croire le capitaine espagnol.