L’ONU et l’UA appellent au calme aux Comores, secouées par des violences
L’ONU et l’UA appellent au calme aux Comores, secouées par des violences
Le Monde.fr avec AFP
Des affrontements entre les forces de sécurité et des adversaires du régime ont fait trois morts sur l’île d’Anjouan, selon le ministère de l’intérieur.
Un face-à-face tendu opposait, mercredi 17 octobre, les forces de sécurité comoriennes aux adversaires du régime repliés au cœur de la capitale de l’île d’Anjouan, Mutsamudu, après des affrontements meurtriers qui suscitent l’inquiétude de l’ONU et de l’Union africaine (UA).
Dans le reste de la ville, les autorités évoquaient une « situation revenue à la normale », mais des témoins parlaient de détérioration, avec des échanges de tirs intenses, en dépit de l’instauration d’un couvre-feu nocturne. « Personne n’a fermé l’œil de la nuit, ça tirait de partout », a raconté un habitant joint au téléphone par l’AFP.
La médina encerclée
Trois jours après le début des violences survenues sur fond de vives tensions provoquées par la volonté du chef de l’Etat de prolonger son mandat, la situation était particulièrement crispée dans la médina de la ville, faite de petites ruelles entrelacées et surpeuplées, selon les autorités et des témoins.
Le quartier est « occupé par des terroristes, des drogués et des alcooliques armés », a déclaré le ministre de l’intérieur, Mohamed Daoudou. A ce stade, « aucun militaire n’est rentré […] ni a tiré un seul coup de feu », a-t-il affirmé, mais « les forces de l’ordre vont mettre fin à cette situation le plus vite possible ».
Des opposants, pour certains armés, étaient, selon des habitants, bien présents dans ce quartier où les premières violences ont éclaté lundi, faisant trois morts, selon un dernier bilan du ministre de l’intérieur, non confirmé de manière indépendante. Selon ces témoins, la vie est devenue intenable dans la médina maintenant encerclée, où les marchés et les commerces sont fermés, les coupures d’électricité de rigueur.
Les affrontements avaient commencé lorsque des protestataires avaient érigé des barrages dans plusieurs rues et autour de Mutsamudu, ville considérée comme un fief de l’opposition, et que les forces de l’ordre avaient ouvert le feu pour les démanteler. Les autorités accusent le parti Juwa, de l’opposant et ancien président de l’archipel Abdallah Sambi, d’être à l’origine des troubles. Les partis d’opposition réunis en coalition renvoient la responsabilité de la situation au gouvernement.
Le climat politique s’est singulièrement dégradé aux Comores depuis le référendum constitutionnel du 30 juillet. Ce scrutin aux allures de plébiscite (92,74 % de oui) a renforcé les pouvoirs du président Azali Assoumani, notamment en l’autorisant à accomplir deux mandats successifs au lieu d’un.
« République bananière »
Exprimant leur inquiétude face au risque de dégradation dans cet archipel agité de coups d’Etat et de crises séparatistes depuis son indépendance de la France en 1975, l’ONU et l’UA ont appelé au « calme » et au « dialogue », d’une même voix mais dans des communiqués séparés.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exprimé « sa préoccupation » et « appelle toutes les parties concernées à faire preuve de calme et de retenue dans l’intérêt de la paix et de la stabilité aux Comores ». Déplorant « la suspension, depuis le 2 octobre 2018, du dialogue intercomorien », la Commission de l’UA « souligne, encore une fois, la nécessité et l’urgence de mesures d’apaisement de nature à faciliter le règlement de la crise », ajoute l’UA.
Depuis 2001, la présidence était attribuée tous les cinq ans à un représentant de l’une des trois îles du pays (Grande-Comore, Anjouan et Mohéli). Ce système tournant avait permis de ramener le calme dans l’archipel de l’océan Indien.
Ancien putschiste élu en 2016, Azali Assoumani a annoncé son intention d’organiser un scrutin présidentiel anticipé l’an prochain, qui lui permettrait de remettre les compteurs électoraux à zéro et de régner sur l’archipel, en cas de victoire, jusqu’en 2029. Les adversaires du chef de l’Etat, qui ont boycotté le scrutin de juillet, qualifient son régime de « république bananière ». Depuis le référendum, des dizaines d’entre eux ont été arrêtés.
« M. Assoumani semble de plus en plus intolérant face à toute divergence d’opinion », commente auprès de l’AFP Jane Morley, analyste chez Fitch Solutions Risk Consultancy. « Un certain nombre de figures de l’opposition, accusées de complot ou de corruption, ont été arrêtées ou ont dû se cacher », ajoute-t-elle. Parmi eux, Abdallah Sambi, inculpé dans une affaire de corruption et assigné depuis cinq mois à résidence dans la banlieue de Moroni.