En mars 2014, à Paris. / LIONEL BONAVENTURE / AFP

C’est un tableau qui figure dans les méandres du projet de loi de finances pour 2019 et qui intéresse les vendeurs et les acheteurs de voitures neuves. Le nouveau barème du malus écologique automobile, présenté sous forme d’amendement, a été voté par les députés dans la nuit du lundi 22 au mardi 23 octobre. Il confirme la décision de l’exécutif d’augmenter cette taxe sur les émissions de dioxyde de carbone (CO2) des véhicules, payée lors de l’achat.

Cette hausse est, en fait, un élargissement aux voitures émettant plus de 116 grammes de CO2 par kilomètre parcouru, contre 119 grammes précédemment. Par exemple, le SUV Peugeot 5008 diesel 150 chevaux, qui émet 118 grammes de CO2, sera concerné par un petit malus de 40 euros en 2019, alors qu’il n’est, aujourd’hui, pas affecté par cette taxe écologique. L’objectif de l’opération, selon le gouvernement, est de dégager 40 millions d’euros de recettes supplémentaires en 2019, soit 610 millions d’euros au total, afin de financer le succès et l’extension de la prime à la conversion des véhicules polluants en véhicules propres.

Jusque-là, tout semble logique. Sauf qu’à regarder de plus près le tableau, on s’aperçoit que, dans la grande majorité des cas, la taxe 2019 recule entre 2 % et 57 % par rapport à 2018, selon les seuils. En données brutes, la baisse s’échelonne entre 8 euros et… 1 830 euros pour les véhicules émettant 184 grammes ! De nouvelles taxes pour les petits moteurs, des ristournes pour les gros polluants… Drôle de façon d’augmenter le malus !

Nouvelles règles d’homologation des véhicules

Cette bizarrerie, relevée par le site spécialisé Autoactu.com, s’explique en fait par l’imbroglio lié aux nouvelles règles d’homologation des véhicules. L’explication est un peu technique, mais elle vaut qu’on s’y arrête, car elle illustre assez bien la confusion dans laquelle se trouve le marché automobile.

Depuis le 1er septembre, la manière de tester les voitures pour les autoriser à la vente a profondément changé. Un nouveau protocole européen d’homologation, dit « WLTP » (Worldwide Harmonised Light Vehicles Test Procedure), qui mesure les émissions de CO2 et de gaz polluants, remplace l’ancien test dit « NEDC » (New European Driving Cycle). Plus exigeant (les accélérations et les vitesses sont plus proches de la vie réelle d’un véhicule), le WLTP augmente mécaniquement de 20 % à 30 % le niveau de CO2 émis par rapport au NEDC. Une automobile mesurée à 120 grammes en NEDC se retrouve, d’un seul coup, à 160 grammes en WLTP. Avec, potentiellement, un malus passant de 50 euros à 4 050 euros.

Cette bizarrerie illustre assez bien la confusion dans laquelle se trouve le marché automobile

Pour éviter cette explosion fiscale, il a été décidé que les valeurs mesurées par le WLTP resteraient affichées en NEDC, après application d’une règle de conversion aboutissant à un chiffre dit « NEDC corrélé »… Mais cette conversion débouche néanmoins sur une augmentation mécanique d’environ 4 % de la valeur CO2 inscrite sur la carte grise. Du coup, depuis le 1er septembre, une hausse parfois forte des malus liée à ce NEDC corrélé touche les automobiles. Par exemple, un véhicule mesuré à 150 grammes avant le 1er septembre se retrouve à 156 grammes aujourd’hui, et son malus bondit, passant de 990 euros à 3 290 euros. Mais, avec le nouveau tableau conçu par le ministère de l’économie, il retombera à 2 453 euros.

Bercy annule donc quasiment les hausses de cet automne liées au passage en NEDC corrélé. Cette étrange cuisine fiscale et normative va probablement perturber encore davantage le marché automobile français. De nombreux acheteurs potentiels vont préférer, logiquement, attendre janvier 2019 et l’application du nouveau barème – si celui-ci est bien voté dans le cadre du projet de loi de finances –, avant d’acheter un véhicule émettant de grosses quantités de CO2.