« Les Grandes Stations balnéaires » : la « croûte » retrouvée des villas d’Usedom
« Les Grandes Stations balnéaires » : la « croûte » retrouvée des villas d’Usedom
Par Renaud Machart
Ce documentaire rend compte de la reconstitution des ornements en stuc des maisons d’une île germano-polonaise.
Un soleil levant dont l’or ne rehausse pas encore la clarté des flots ; une mer plane comme une lagune que pourrait traverser quelque funèbre gondole ; une plage déserte où se trouvent, vides encore, des cabines individuelles au tissu rayé, bordées de rotin peint de blanc. On pourrait se croire sur la plage du Lido, à la fin du film crépusculaire Mort à Venise (1971), de Luchino Visconti. Mais on est sur l’« île du soleil », Usedom en allemand ou Uznam en polonais. Car cette île côtière se trouve entre la lagune de Szczecin et la mer Baltique, partagée par les deux pays. Huppée au début du siècle, on y voyait des élégantes à ombrelle s’y pavaner sur la promenade qui longe le littoral ; quant à la plage, on y allait chapeauté et cravaté, et l’on jugeait alors vulgaire d’y bronzer ou de s’y baigner.
La République démocratique allemande (RDA) est ensuite passée par là : le naturisme fut encouragé et les villas expropriées dénudées de ces décorations en stuc qui faisaient de chacune d’elles de petits chefs-d’œuvre où le style chalet voisinait avec des bâtiments inspirés par la Renaissance, le baroque et l’Art nouveau.
Rafraîchissante désuétude
Le nouveau pouvoir en fit tantôt un bâtiment des postes, tantôt une cantine populaire ou un dortoir pour les ouvriers en villégiature. Ce qui est très bien. Mais au prix d’une défiguration sans vergogne de ces signes de privilèges de l’ancienne haute bourgeoisie : le nivellement par le médiocre – ce goût moyen supposé convenir à la masse – prévalut.
Ce numéro de la série documentaire Les Grandes Stations balnéaires, réalisée par Elke Sasse et Ulricke Neubecker, fait le tour de l’île (de quelque 445 km2) et s’attache, entre autres nombreux sujets, au travail que fait, sur ces villas et bâtiments, un stucateur, chargé de restaurer les éléments décoratifs disparus, à l’aide d’un enduit composé de marbre blanc pulvérisé, de chaux et de craie. En se référant à des photographies et cartes postales d’antan, cet artisan, qui est aussi chercheur et historien, recompose la « croûte » ornementale de ces maisons (l’étymologie de stuc, ou stucco, vient, notamment de ce mot en italien, stucchi) en restaurant autant que possible leur état d’origine. Le résultat est d’une rafraîchissante désuétude.
Les Grandes Stations balnéaires : Usedom, série documentaire réalisée par Elke Sasse et Ulricke Neubecker (All., 2012, 43 min). www.arte.tv