Le pasteur André Christian Dieudonné Mailhol, candidat à l’élection présidentielle malgache. / GFFM / Facebook

Dans le quartier d’Isotry, à Antananarivo, André Christian Dieudonné Mailhol arrive comme le messie. Chemise rose pâle, pantalon pied-de-poule, l’homme au visage rond se fraye tout sourire un passage presque naturel au milieu de la foule des vendeurs de rue, ses gardes du corps à distance.

Présentation de notre série : Madagascar, un nouveau départ ?

C’est dans ce quartier, l’un des plus bas de la capitale malgache, qu’est implanté depuis vingt-deux ans le siège de son association, l’Eglise apocalyptique. L’homme aurait pu montrer son autre quartier général, celui du Gideon Fandresena ny Fahantrana eto Madagasikara (« Gédéon pour vaincre la pauvreté à Madagascar », GFFM), mais il a préféré mettre en avant la secte plutôt que son parti, fondé en 2011. Ç’aurait été oublier que pour lui, tout a commencé par l’église et que c’est sa vocation religieuse qui l’a conduit en politique.

« Rien ne me prédestinait à devenir religieux quand j’ai commencé à travailler comme simple vendeur de vêtements à Analakely », expose-t-il. Jusqu’au jour où, dans ce quartier du centre-ville d’Antananarivo, au milieu des vendeurs à la sauvette, il raconte avoir « entendu une voix qui [lui] disait d’étudier l’Apocalypse ». C’était en 1996 et à compter de cette date, il a commencé à prêcher la parole adventiste dans la rue, suivi par un nombre croissant de fidèles. Depuis, André Mailhol a eu plusieurs « épiphanies », dont une en 2000 qui lui a prédit son accession au pouvoir en 2018.

Divorcé, sept enfants

Dans son storytelling figurent tous les ingrédients nécessaires. Fils d’une couturière et d’un père qu’il ne connaîtra que tardivement, ce natif des Hauts Plateaux est à la fois mérina et côtier, avec des origines betsileo. Côté famille aussi, son profil veut parler à tout le monde, puisqu’il est à la fois père de sept enfants et divorcé. « C’est une prophétie qui me l’a ordonné », concède-t-il dans un demi-sourire.

Considéré comme l’un des « petits candidats » à l’élection présidentielle, André Mailhol ne surgit pourtant pas de nulle part. Cet art du discours, qu’il a exercé dans la rue pendant ses jeunes années, il l’a ensuite peaufiné sur les ondes. En 1994, il obtient une émission mensuelle à la radio Tsiokavao, celle de l’ancien président Didier Ratsiraka, puis une émission hebdomadaire pendant quelques mois à la Radio nationale malagasy.

De fil en aiguille, le pasteur finit même par créer son propre média : il ouvre en 1998 la radio Fanambarana, qui retransmet en direct ses professions de foi. De quoi capter une belle audience puisque à Madagascar, la radio, accessible jusque dans les zones les plus enclavées, est le média le plus consommé. Cette popularité fait de lui un « petit candidat » différent des autres ; et certains, plus « gros » que lui, ne dédaigneraient pas qu’il appelle à un report de ses voix vers eux au second tour.

Au fil des mois, André Mailhol s’est construit un personnage. Il n’apparaît en meeting que vêtu d’une longue robe blanche et muni d’un bâton de pèlerin. Il aime ponctuer son discours de prières avec le public. Une imagerie empreinte de bigoterie qui, si elle touche ses fidèles, déchaîne aussi les critiques les plus acerbes.

Politique et religion ne font qu’un

Si la dimension messianique trouve son public à Madagascar, c’est parce que politique et religion y font depuis des années bon ménage. La loi de séparation de l’Eglise et de l’Etat est entrée en vigueur en 1913, mais la Grande Ile a attendu son indépendance, en 1960, pour se déclarer laïque. Mais pour peu d’années, puisque la notion de laïcité a été abolie sous Marc Ravalomanana (2002-2009), lui-même vice-président de l’Eglise de Jésus-Christ à Madagascar (FJKM), la plus grande église protestante du pays.

En fait, la tradition locale veut que la religion soit autant le terrain des politiciens que la politique est la terre d’accueil des hommes d’Eglise. Et le pasteur André Mailhol fait la synthèse parfaite de cette double approche, puisque pour lui, politique et religion ne font qu’un. D’ailleurs, l’homme compte sur les près de 2 millions de fidèles de l’Eglise apocalyptique, qui sont aussi ses partisans politiques, pour passer le premier tour mercredi 7 novembre.

Celui qui affirme avoir été financé par les seuls membres de la secte, qui font des donations à son parti, reconnaît que les Russes lui ont aussi fait des propositions. « Ils m’ont approché pour m’aider financièrement. Je ne suis d’ailleurs pas le seul », glisse-t-il mystérieusement. « Mais la condition, c’était que je fasse campagne seulement dans la capitale. J’ai refusé », insiste celui qui dit n’avoir pas pu se rendre dans le sud de l’île, faute d’argent. Mais de ses moyens, on ne sait pas grand-chose puisque à l’instar de 32 des 34 candidats, il n’a pas signé le formulaire de transparence sur les fonds de campagne.

Message simplifié à l’extrême

Côté dogme, son Eglise apocalyptique s’appuie sur une interprétation très rigoriste de la Bible que le pasteur explique d’une phrase : « Le dernier livre du Nouveau Testament, l’Apocalypse, est un livre codé, qui renferme le secret de l’avenir de l’humanité. On peut déchiffrer ce code grâce aux versets bibliques, qui sont des clés de compréhension. C’est ce que je fais auprès de mes fidèles. »

En politique, en revanche, il a simplifié le message à l’extrême. « Ma priorité, c’est d’éradiquer la pauvreté », affirme-t-il sans ambages : « 90 % des richesses de Madagascar reviendront aux Malgaches et 10 % à l’Etat, ce qui représente la dîme, ce qu’on donne à l’Eglise, promet-il. Je veux aussi éradiquer la corruption, et quiconque y aura recours encourra trente ans d’emprisonnement », partant du principe que « si la locomotive est intègre, le reste du train le sera aussi ». Rien sur sa méthode et, surtout, rien de bien différent des 35 autres candidats qui martèlent ces thèmes très rebattus en cette période électorale.

Sur le seuil de son bureau, André Christian Dieudonné Mailhol ôte ses chaussures. La bâtisse blanche et bleue grouille de monde. Des effluves d’eau stagnante s’accrochent aux narines, rappelant la proximité du marché. Mais le pasteur ne semble pas incommodé. Trop au-dessus des contingences pour cela.

Sommaire de notre série Madagascar, un nouveau départ ?

A l’occasion de la présidentielle malgache, dont le premier tour doit se dérouler le mercredi 7 novembre, Le Monde Afrique propose une série de reportages pour raconter les enjeux de ce scrutin et le quotidien des Malgaches désillusionnés, mais dont certains ont néanmoins décidé de se dresser contre la faillite de leur pays.

Présentation Madagascar, un nouveau départ ?

Episode 1 A Madagascar, Hery, un président isolé au bilan terni par la corruption

Episode 2 « Le candidat qui a le plus d’argent peut s’offrir une visibilité » dans les médias malgaches

Episode 3 A Madagascar, Pierrot ira voter le ventre vide