Découverte d’une « structure construite » par des termites aussi vaste que la Grande-Bretagne
Découverte d’une « structure construite » par des termites aussi vaste que la Grande-Bretagne
L’oeuvre, qui a commencé il y a 4 000 ans, a été découverte dans le nord-est du Brésil. Le bâtisseur est une termite dont la taille ne dépasse pas 1,3 cm.
L'un des chercheurs, Roy Funch, devant un monticule. / Roy Funch
Ils se dressent, mystérieux, sur une étendue de 230 000 km2 dans le nord-est du Brésil, dans une région encore épargnée par l’agriculture intensive. Deux cents millions de monticules de terre d’environ 2,5 m de haut, fruit du travail patient d’une colonie de termites depuis près de quatre mille ans, ont été découverts par une équipe de biologistes britanniques et brésiliens.
Il s’agit de « la plus grande structure construite par une seule espèce d’insecte jamais découverte à ce jour », selon les chercheurs, qui ont publié lundi 19 novembre les résultats de leur étude dans la revue scientifique Current Biology.
4 000 pyramides de Gizeh
Au total, les termites ont déplacé 10 millions de kilomètres cubes de terre – l’équivalent de 4 000 pyramides de Gizeh –, répartis sur la superficie de la Grande-Bretagne… ou la moitié de celle de la France métropolitaine.
Le tout a été accompli depuis l’époque de l’Egypte ancienne par une espèce de termites appelée Syntermes dirus, dont la taille ne dépasse pas 1,3 cm. Pour obtenir cette datation, les chercheurs ont prélevé de la terre sur 11 murundus – le nom que les habitants donnent à ces monticules –, et recouru à une technique permettant de déterminer la dernière exposition au soleil des échantillons. Résultat : le plus jeune avait 690 ans et le plus vieux… 3 820 ans. Une ancienneté cependant comparable à des termitières étudiées en 2015 par un autre groupe de chercheurs.
La construction de ces monticules remonte à l’époque de l’Egypte ancienne, il y a près de quatre mille ans. / Roy Funch
Mais à la différence de ces dernières, ces structures brésiliennes ne sont pas des nids (à la forme caractéristique de cheminée, utilisée pour aérer les espaces de vie sous terre) : elles sont formées par les éjections des tunnels creusés par les insectes pour relier leurs nids aux zones de nourriture. « Ce sont juste des tas de gravats », explique Roy Fanch, l’un des chercheurs, au magazine américain The Atlantic.
Google Earth et déforestation
Cet impressionnant chantier était longtemps resté dissimulé par la végétation de cette région semi-aride. Mais les récents effets de la déforestation en ont mis au jour les contours. Au point que Roy Fanch est parvenu à estimer l’étendue de ces monticules – d’un diamètre de 9 m environ – en utilisant des images satellites. « Avant, on voyait juste du vert et du marron. Mais depuis environ huit ans, Google Earth a amélioré la qualité de ses images et j’ai pu reconnaître sur les photos satellites les monticules que j’avais vus depuis la terre ferme », explique-t-il à The Atlantic.
Les monticules sont visibles depuis Google Earth.
Jusqu’à il y a quelques années, cet espace avait été peu façonné par l’homme. Il y a bien quelques villes et villages ici et là, sur les 230 000 km2 que recouvrent les murundus. Mais la terre du nord-est du Brésil, semi-aride, est peu propice à l’agriculture, laissant de vastes étendues inhabitées autour des constructions des termites.
Cette cohabitation pacifique arrive peut-être à son terme. La déforestation de ces terres, pourtant peu arables, lentement amorcée il y a quelques années, risque de s’accélérer sous le mandat de Jair Bolsonaro, élu à la tête du Brésil le 28 octobre. Pendant la campagne électorale, il avait promis d’en finir avec l’« activisme écologiste chiite » (dans son vocabulaire, « chiite », vidé de son sens religieux, est synonyme de radicalisme), en allégeant notamment les procédures pour délivrer des permis miniers et forestiers.