« Le numérique africain a besoin d’un écosystème globalisé »
« Le numérique africain a besoin d’un écosystème globalisé »
Par Karim Sy
Pour Karim Sy, fondateur de Jokkolabs, créer des réseaux entre start-up permettra aux entrepreneurs du continent de « projeter leurs ambitions à l’échelle mondiale ».
Lors de l’Africa Web Festival, à Abidjan, en novembre 2016. / ISSOUF SANOGO / AFP
Tribune. Cessons de penser localement, cessons de nous fixer des ambitions modestes ! Pour exister et révolutionner l’économie de tout un continent, le numérique africain doit apprendre à se penser globalement, en visant à terme à se mesurer aux plus grands.
L’émergence d’une économie numérique, qui rend possible la création d’entreprises partiellement ou totalement dématérialisées, est une formidable opportunité pour tous ceux qui veulent inventer leur propre métier. C’est en fait tout un écosystème qui se construit, avec une répartition des rôles entre fondateurs d’entreprises, investisseurs, incubateurs et conseillers stratégiques.
La troisième révolution industrielle permise par le numérique ouvre un nouveau cycle d’innovation, comme les précédentes révolutions industrielles l’avaient fait en leur temps. Au lieu de s’inscrire nécessairement dans une voie tracée par d’autres, selon des process déjà définis et standardisés, les créateurs d’entreprises sont aujourd’hui libres de dessiner leur propre chemin, d’inventer des produits inédits et de mettre en place des processus de production disruptifs.
Plateformes régionales
Mais le phénomène le plus remarquable tient au fait qu’aujourd’hui, l’innovation n’est plus localisée, car sur tous les continents des personnes possèdent la même formation, les mêmes compétences techniques, et visent à résoudre les mêmes problèmes globaux. Dans cette nouvelle configuration, l’innovation ne peut plus se faire de manière isolée. Les solutions se diffusent en réseau, les connaissances également. Tous les entrepreneurs du numérique sont constamment en train de comparer leur offre à celle de leurs concurrents et le moindre décrochage, la moindre inertie peuvent être catastrophiques dans un monde ultra-concurrentiel.
Cela signifie que le développement des écosystèmes numériques nationaux est lié à leur inclusion dans l’écosystème numérique mondial.
En 2017, les jeunes pousses du continent ont franchi le seuil symbolique des 500 millions de dollars de levées de fonds (plus de 400 millions d’euros). Certains pays sont en train de devenir des plateformes numériques régionales, comme le Gabon, Madagascar, le Kenya, le Rwanda et la Côte d’Ivoire. L’Afrique est le continent ayant enregistré la plus forte progression en termes d’accès à Internet en 2017 (+ 20 %) et compte désormais 435 millions d’utilisateurs sur une population de 1,272 milliard de personnes.
Saut technologique
C’est notamment par ce biais que les économies du continent pourront réaliser leur saut technologique et faire le poids face à la concurrence internationale. Mais pour cela, les financements ne suffisent pas. Un bon accompagnement stratégique est indispensable pour les jeunes entreprises, en Afrique comme ailleurs. Le monde du numérique est fluctuant et réactif, les technologies de développement évoluent rapidement, les demandes du marché également.
Pour trouver les partenaires les plus adéquats et ne pas se laisser abuser par les effets de mode, un conseil de qualité sera toujours indispensable. Pour que l’innovation locale puisse se déployer globalement, il est indispensable de l’intégrer dans des chaînes de valeur mondialisées. C’est pourquoi la Global Entrepreneurship Week, organisée par Jokkolabs, se déploie sur 160 pays, dont 42 en Afrique.
C’est aussi dans cet esprit qu’a été lancée la plateforme Digital Africa, en partenariat avec l’Agence française de développement (AFD, partenaire du Monde Afrique), le 21 novembre, afin d’ouvrir l’innovation à l’ensemble des acteurs de l’écosystème numérique africain (entrepreneurs, associations, investisseurs, structures d’accompagnement, institutions publiques et privées…). Créer des réseaux entre start-up leur permet de projeter leurs ambitions à l’échelle mondiale et d’en faire des entreprises nativement mondialisées, utilisant les ressources de leur marché local pour conquérir le marché global.
Karim Sy, fondateur du réseau d’incubateurs et d’espaces de co-working Jokkolabs, est membre du Conseil présidentiel pour l’Afrique (CPA) d’Emmanuel Macron.