« Gilets jaunes » : « Dégagez. Dégagez. Je suis la propriétaire de cette boutique »
« Gilets jaunes » : « Dégagez. Dégagez. Je suis la propriétaire de cette boutique »
Par Juliette Garnier
L’enseigne de mode Faguo, à Paris, a été pillée le 8 décembre. Son dirigeant a décidé d’ouvrir ses magasins samedi, alors que les « gilets jaunes » appellent à de nouvelles manifestations.
Les magasins Faguo ouvriront leurs portes samedi 15 décembre. Nicolas Rohr a pris cette décision par « nécessité » : « On ne peut pas se permettre de fermer à nouveau », explique ce jeune dirigeant, cofondateur de cette marque de mode pour hommes et femmes, qui exploite dix-huit magasins en France.
Samedi 8 décembre, M. Rohr avait renoncé à ouvrir son magasin de la rue de Courcelles, dans le 8e arrondissement de Paris, à 500 mètres des Champs-Elysées. Dans ce quartier huppé et calme qui borde le parc Monceau, des rumeurs, des « bruits de quartier », laissaient entendre qu’« ouvrir » n’était « pas sain ». Une semaine plus tôt, samedi 1er décembre, en marge des manifestations qui se déroulaient sur l’avenue des Champs-Elysées, plusieurs magasins et agences bancaires voisins avaient, il est vrai, déjà été la cible de pilleurs.
Des manifestants érigent une barricade sur un boulevard parisien, le 8 décembre. / JULIEN MUGUET POUR "LE MONDE"
Et ce 8 décembre, troisième week-end de mobilisation des « gilets jaunes », Faguo garde son magasin fermé. Mais, en fin d’après-midi, une horde de pilleurs défonce la vitrine de la petite boutique et la pille sous les yeux de voisins terrifiés et de badauds sidérés. Plusieurs d’entre eux filment la scène avec leur smartphone. Une voisine s’interpose, en se faisant passer pour la gérante : « Dégagez. Dégagez. Je suis la propriétaire de la boutique », hurle-t-elle, tout en filmant les pilleurs avec son téléphone. Les derniers pilleurs prennent décampent. « Cela nous a évité le pire », reconnaît M. Rohr, qui estime que 60 % de la marchandise ont été dérobés, cependant.
Manque à gagner, pillage et réfection
Dans la foulée, ordre est donné à tous les gérants des autres boutiques Faguo de tirer le rideau. A la hâte, avec l’aide de voisins, des panneaux de fortune sont installés pour sécuriser la boutique de la rue de Courcelles.
Depuis, Nicolas Rohr fait ses comptes. La boutique Courcelles a rouvert mardi 11 décembre. Le manque à gagner se chiffrerait à « 100 000 euros, depuis le début du conflit des “gilets jaunes” », estime-t-il. Le chantier de réfection de la boutique de la rue de Courcelles pourrait coûter plus de 60 000 euros.
L’impact de ce conflit est « catastrophique », déplore M. Rohr. Car, bien qu’elle connaisse une croissance à deux chiffres chaque année, l’enseigne Faguo demeure une entreprise fragile. Le chiffre d’affaires de cette PME – dont 49 % du capital est détenu par le groupe Eram – atteint 10 millions d’euros.
« Le mois de décembre représente près de 25 % de notre chiffre d’affaires annuel. Si nous ne vendons pas à prix plein au cours de la période précédant Noël, je vais devoir vendre davantage en solde, à prix cassé, au risque de dégrader ma rentabilité et mon fond de roulement. Je ne pourrai pas financer mes achats de marchandises et payer les salaires », déplore Nicolas Rohr. D’où la décision de rouvrir samedi, à dix jours du 25 décembre. Le dirigeant espère maintenant que « la magie de Noël revienne » et que la « bienveillance l’emporte sur la violence ».
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