L’Allemagne reconnaît l’existence d’un « troisième sexe »
L’Allemagne reconnaît l’existence d’un « troisième sexe »
Par Thomas Wieder (Berlin, correspondant)
Le Tribunal constitutionnel a décidé que les catégories « masculin », « féminin » et « divers » figureront sur les documents administratifs.
Au Tribunal constitutionnel de Karlsruhe, en juin. / SEBASTIAN GOLLNOW / AFP
Aux catégories « masculin » et « féminin » s’en ajoutera bientôt une troisième – « divers » – sur les certificats de naissance en Allemagne, où le Bundestag a adopté un projet de loi, jeudi 13 décembre, reconnaissant l’existence d’un « troisième sexe ».
L’adoption de ce texte est la conséquence d’une décision du Tribunal constitutionnel de Karlsruhe. Le 8 novembre 2017, les juges constitutionnels allemands avaient exigé des députés qu’ils modifient d’ici fin 2018 la législation en vigueur, après avoir été saisis du cas d’une personne déclarée comme fille à la naissance mais frappée d’une affection génétique rare caractérisée par la présence du seul chromosome X à la place de la paire habituelle des chromosomes sexuels (XX pour les filles, XY pour les garçons).
Cette personne, prénommée Vanja et née en 1989, avait saisi le tribunal de Karlsruhe afin que soit clairement reconnue l’existence d’un « troisième sexe ». Depuis 2013, il était déjà possible en Allemagne ne plus remplir nécessairement la case correspondant au sexe sur les documents administratifs. Une évolution jugée toutefois insuffisante par plusieurs associations. Un intense débat s’était ouvert outre-Rhin, certains estimant que, plutôt que cette indétermination, un choix clair devait être fait entre deux options : soit l’abolition de toute référence au sexe sur les documents administratifs, soit la création d’une troisième case, destinée aux personnes intersexes.
« Expertises avilissantes »
C’est donc cette option qui l’a emporté, même si la mention « sans réponse » reste possible. Reste que le texte adopté jeudi sur proposition du gouvernement de « grande coalition » d’Angela Merkel ne satisfait pas pleinement les avocats de la reconnaissance d’une « troisième option ». Au sein des groupes libéraux, écologistes et Die Linke, mais aussi parmi les sociaux-démocrates membres de la coalition de Mme Merkel, des voix se sont élevées pour regretter le fait qu’une attestation médicale soit nécessaire pour acter un changement de sexe.
Cette disposition prévue par le texte est aussi critiquée par l’Association allemande des gays et lesbiennes (LSVD), qui souhaite que soient « abolies les expertises avilissantes et pathologisantes », et réclame au contraire que la catégorie « divers » puisse être choisie par des personnes « qui en ont besoin et le veulent ».
Malgré cette limite, l’Allemagne se place toutefois, avec la loi adoptée jeudi, à l’avant-garde des pays européens concernant la reconnaissance d’un « troisième sexe ». En France, toute personne doit être rattachée dans les cinq jours suivants la naissance à l’un des deux sexes, masculin ou féminin.
En 2017, la Cour de cassation avait rejeté la demande d’une personne née sans pénis ni vagin puisse inscrire la mention sexe neutre sur son état civil. Pour la Cour de cassation, la « dualité » des sexes dans les actes de l’état civil « poursuit un but légitime en ce qu’elle est nécessaire à l’organisation sociale et juridique », dont elle constitue « un élément fondateur ». La reconnaissance par le juge d’un « sexe neutre » aurait « des répercussions profondes sur les règles du droit français » et impliquerait « de nombreuses modifications législatives », avait alors estimé la plus haute juridiction française.