Un panneau signale un champ de mine en Birmanie, en septembre 2016. | SAW TAR TOO / AFP

C’est un rapport glaçant qu’a publié l’Observatoire des mines antipersonnel mardi 22 novembre. D’après ce document, dont Handicap International assure chaque année la coordination avec trois autres ONG, 6 461 personnes ont été touchées par des mines ou des restes explosifs de guerre en 2015. Au moins 1 672 sont mortes des suites de leurs blessures. Après quinze ans de baisses consécutives, il s’agit d’une hausse de 75 % par rapport à 2014, où 3 695 victimes avaient été enregistrées.

Cette recrudescence est liée à la multiplication des conflits meurtriers au Proche-Orient et au Moyen-Orient. La majorité des nouvelles victimes enregistrées provient de pays très instables, dans lesquels des conflits perdurent voire s’aggravent : l’Afghanistan (1 310), suivi par la Libye (1 004), le Yémen (988), la Syrie (864) et enfin l’Ukraine (589), comptabilisent 74 % des victimes enregistrées en 2015. Comme à l’accoutumée, les civils sont les premiers touchés – ils représentent 78 % des victimes, dont 38 % d’enfants.

Bien que le nombre d’Etats ayant recours aux mines antipersonnel a considérablement diminué, ce sont toujours 64 Etats et territoires qui, en octobre 2016, sont encore parsemés de ces engins destructeurs et de restes explosifs de guerre.

Les mines artisanales utilisées par les groupes armés

On observe notamment un développement inquiétant ces dernières années, et spécifiquement en 2015, de l’utilisation de mines artisanales par les groupes armés non étatiques, comme l’organisation Etat islamique. L’année passée a connu la plus importante hausse du nombre de victimes par mines artisanales. Ainsi, en l’espace d’un an, ces mines ont été identifiées dans 10 pays : Afghanistan, Irak, Libye, Nigeria, Pakistan, Syrie, Yémen, Birmanie, Ukraine mais aussi Colombie.

C’est un développement d’autant plus inquiétant qu’il n’existe pas de contrôle ni sur la fabrication, ni sur la propagation, ni sur la localisation de ces armes. « Ces types d’armes ne sont pas connus des démineurs. Ils ne connaissent pas exactement leur système », souligne Marion Libertucci, responsable du Plaidoyer de Handicap International. Ce qui rend leur travail encore plus difficile. « Aussi, il n’y a pas de régulation internationale avec ces groupes armés, il est donc très difficile d’intervenir. »

Le recours à ces engins artisanaux court-circuite en effet le traité d’Ottawa, signé en 1997, qui est le principal instrument pour interdire l’emploi, le stockage, la production et le transfert des mines antipersonnel ainsi que leur destruction. Depuis la signature du texte, les 162 Etats parties ont détruit collectivement plus de 51 millions de mines stockées, dont 2,1 millions en 2015. Rien qu’en 2015, près de 158 000 d’engins antipersonnel et 14 000 voitures piégées ont par ailleurs été désamorcées.

Cependant, les financements des Etats en matière de déminage, de prévention et d’accompagnement des victimes ont tout de même considérablement diminué en passant de 610,8 millions de dollars (570 millions d’euros) en 2014 à 471,3 millions en 2015. Treize Etats parties ont réduit leur financement en 2015, dont les deux principaux contributeurs, l’Union européenne et la Norvège.

Pour Marion Libertucci, le problème est que « beaucoup d’Etats se disent que c’est un peu ancien et passent à d’autres sujets. Pourtant, c’est une priorité. Quand les Syriens reviendront chez eux, ils seront exposés à un danger énorme. Il faudra bien mettre de l’argent sur la table pour le déminage et l’éducation aux risques. » Le rapport souligne la diminution des surfaces déminées, de 201 km2 en 2014 à 171 km2 en 2015.

Ce chiffre et le nombre de victimes sur l’année 2015 entraîneront peut-être un sursaut de mobilisation durant la conférence des Etats parties au traité d’Ottawa qui se tient du 28 novembre au 1er décembre à Santiago, au Chili.