Navya, pionnier français du véhicule autonome, dans une zone de turbulences
Navya, pionnier français du véhicule autonome, dans une zone de turbulences
LE MONDE ECONOMIE
Le 18 décembre, le président-fondateur de la société a été démis de ses fonctions avec effet immédiat.
Ça tangue sérieusement chez le pionnier français du véhicule autonome ! Mardi 18 décembre, le conseil de surveillance de Navya, la firme lyonnaise qui figure parmi les leaders mondiaux des minibus sans conducteur, a démis de ses fonctions « avec effet immédiat » son président-fondateur Christophe Sapet. « Un cabinet de recherche de dirigeants a été mandaté afin d’identifier son successeur », précise le communiqué de l’entreprise. Frank Maccary, actuel directeur financier, est chargé, en attendant de trouver un remplaçant à M. Sapet, d’assurer la transition.
La décision a provoqué une grave crise de gouvernance au sein de la société, dont l’actionnaire de référence est le fonds d’investissement Robolution Capital, monté à l’initiative de l’homme d’affaires (et député LRM) Bruno Bonnell. Quatre membres du conseil de surveillance, dont les représentants de l’équipementier automobile Valeo et de Keolis, opérateur de transport filiale de la SNCF, ont aussitôt et simultanément quitté leurs fonctions a précisé la société sans toutefois donner davantage d’explications.
Contacté par Le Monde, le groupe Valeo a laissé peu d’ambiguïté quant à la raison de ce retrait. « Valeo considère que la gouvernance actuelle de Navya n’est pas conforme aux règles qui s’imposent aux sociétés cotées protégeant en particulier les droits des actionnaires minoritaires, a déclaré un porte-parole de l’équipementier. Elle ne nous permet pas d’exercer notre rôle au conseil dans des conditions appropriées. Valeo a, en conséquence, décidé de démissionner de son poste au conseil de surveillance. » De son côté, Keolis n’a pas souhaité ajouter de commentaire.
Prévision de chiffre d’affaires en forte baisse
Les tensions au sein du conseil de surveillance ont culminé ces derniers jours aboutissant à l’éclatement. Elles étaient intenses depuis le 7 décembre. Ce jour-là, Navya a revu en très forte baisse ses attentes de chiffre d’affaires pour 2018, passant des 30 millions promis à l’occasion de son entrée en Bourse en juillet, à une fourchette de 17-19 millions. Dans l’intervalle, sa capitalisation boursière est tombée de 185 millions d’euros à un peu plus de 50 millions d’euros. L’éviction de M. Sapet a d’ailleurs donné un petit coup de fouet au titre, qui était en progression de 1,8 % jeudi, à 15 heures.
La période est donc complexe pour ce fleuron de l’innovation à la française. Avec l’autre start-up tricolore de la navette autonome, le toulousain Easymile, Navya (250 collaborateurs), domine cette niche des robots-taxis collectifs, déployant des dizaines de véhicules, en général sous forme de test, dans plus de vingt pays. L’entreprise qui a des engins opérationnels depuis 2015, vient de lancer de nouvelles expérimentations à Rennes, à Lille, au Luxembourg et dans la Drôme rurale.
Malgré leur mauvaise humeur, Keolis et Valeo les partenaires industriels de Navya ont fait savoir que leur décision de ne plus participer au conseil de surveillance ne remettait « nullement en cause les projets opérationnels ou techniques menés avec Navya et notamment les partenariats mis en place ». « Valeo a toujours été un partenaire responsable aidant Navya dans son développement technique et entend bien poursuivre sur cette voie tant que Navya en exprimera le besoin » a précisé au Monde un représentant de l’équipementier.