KAZUHIRO NOGI / AFP

Le tribunal de Tokyo a accepté, mardi 25 décembre, la libération sous caution de l’Américain Greg Kelly, arrêté le 19 novembre en même temps que l’ex-PDG de Nissan Carlos Ghosn, qui reste lui en garde à vue au moins jusqu’au 1er janvier. La somme requise pour quitter la prison a été fixée à 70 millions de yens (environ 560 000 euros au cours actuel).

M. Kelly, qui contrairement à M. Ghosn ne fait pas l’objet d’un troisième mandat d’arrêt, pourrait en théorie sortir dans la journée, une fois les recours du parquet épuisés. Considéré comme le bras droit de M. Ghosn, il avait été mis en examen le 10 décembre pour avoir, selon les accusations du parquet, aidé le dirigeant à dissimuler une partie de ses revenus aux autorités boursières, environ 5 milliards de yens (38 millions d’euros) sur cinq ans, de 2010 à 2015. Il est aussi soupçonné d’avoir participé à une minoration similaire d’émoluments de M. Ghosn de 2015 à 2018. Lui-même dément toute malversation.

Dans une enquête fleuve sur l’affaire parue le 16 décembre, le Wall Street Journal (WSJ) décrit un « farouche fidèle » de Ghosn, une sorte de « dépanneur » juridique, cherchant à tirer profit des « zones grises » de la réglementation japonaise mise en place en 2010 sur la transparence de la rémunération des patrons.

M. Kelly était entré dans la filiale américaine de Nissan en 1988 après avoir exercé la profession d’avocat, et a progressivement gravi les échelons jusqu’à devenir un membre de la direction du groupe en 2008, chargé d’organiser les tâches du président, puis administrateur en 2012.

« Complot international »

Dans une vidéo publiée par le WSJ, la femme de Greg Kelly évoquait « la possibilité qu’il soit libéré le jour de Noël ». « Il doit être opéré rapidement pour cause de douleurs cervicales », avait expliqué Dee Kelly, s’inquiétant « d’une détérioration de sa santé ». Il pourrait être hospitalisé dès sa sortie de prison, a indiqué la NHK.

Le responsable américain avait été attiré mi-novembre à Tokyo par un employé de Nissan pour y être arrêté, selon la version de son épouse qui a dénoncé « un complot international, une trahison de certains dirigeants de Nissan pour prendre le contrôle » du constructeur japonais.

Peu après l’interpellation des deux hommes, le constructeur japonais avait démis M. Ghosn de la présidence du conseil d’administration et M. Kelly de ses fonctions de représentation. Carlos Ghosn demeure en revanche PDG du groupe français Renault.

Si M. Kelly peut être libéré sous caution, ce n’est pas le cas de M. Ghosn qui est toujours en garde à vue. Il est sous le coup d’un nouveau mandat d’arrêt, le troisième, sur des charges supplémentaires concernant cette fois l’abus de confiance, après son inculpation pour dissimulation de revenus sur la période 2010-2015. La justice a décidé dimanche de prolonger sa garde à vue jusqu’au 1er janvier et le parquet peut encore à cette échéance requérir une extension de 10 jours supplémentaires.

Abus de confiance

Selon une source proche du dossier, M. Ghosn espérait réellement être libéré sous caution la semaine dernière et ses avocats préparaient sa sortie, avant que ne tombent les nouvelles charges. Le dirigeant de 64 ans, qui veut « faire entendre sa voix et laver son honneur », a été transféré depuis plusieurs semaines dans une cellule plus spacieuse, bénéficiant de meilleures conditions de détention. Il rencontre régulièrement les différents représentants de l’ambassade de France, du Brésil et du Liban, pays dont il détient la nationalité, mais n’a pu rencontrer sa famille.

Au cours des auditions, M. Ghosn aurait reconnu avoir signé des documents mentionnant des paiements qu’il était censé percevoir au moment de quitter Nissan, en tant que consultant, mais il assure, selon une personne au fait des investigations, que ces montants n’étaient pas définitivement établis et n’avaient donc pas à être inclus dans les rapports publics de l’entreprise.

Sur l’autre motif d’abus de confiance, il lui est reproché d’avoir « failli à sa fonction de PDG et d’avoir causé un préjudice à Nissan ». Concrètement, le bureau des procureurs lui reproche d’avoir fait couvrir par Nissan « des pertes sur des investissements personnels » au moment de la crise financière d’octobre 2008, ce qu’il nie selon la chaîne de télévision publique japonaise NHK. La somme incriminée s’élève à 1,85 milliard de yens (14,5 millions d’euros). Pour résoudre ce problème financier, il aurait obtenu qu’un ami saoudien se porte garant et aurait effectué des virements d’un montant équivalent sur le compte de ce dernier depuis un compte d’une filiale de Nissan.

De son côté, Carlos Ghosn dément tout lien entre les deux affaires et assure que ce proche a été rétribué pour des services rendus à Nissan.

Quand Carlos Ghosn défendait son salaire
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