Aux Etats-Unis, le camp démocrate suspecté d’activités douteuses sur les réseaux sociaux
Aux Etats-Unis, le camp démocrate suspecté d’activités douteuses sur les réseaux sociaux
Par Michaël Szadkowski
Le « New York Times » et le « Washington Post » ont dévoilé des opérations d’influence électorale menées sur Facebook et Twitter, en vue de favoriser les programmes de candidats démocrates aux dernières élections américaines.
Après avoir constaté des utilisations fallacieuses de Facebook pour promouvoir le programme politique de Donald Trump en 2016, à travers de fausses pages ou de faux comptes diffusant des messages ciblés ou des publicités favorisant les thèses du candidat républicain, certains démocrates ont-ils tenté de faire la même chose ?
Facebook a en tout cas récemment pris des mesures face à l’utilisation de ses outils en faveur de candidats démocrates lors des dernières campagnes électorales aux Etats-Unis, comme le rapportent le New York Times et le Washington Post début janvier, à travers des articles donnant des nouveaux exemples de techniques utilisées.
« Projet Birmingham »
Parmi ces méthodes : la création d’une page Facebook incitant à ce que l’Etat d’Alabama bannisse l’alcool (« Dry Alabama »). Cette page a été active à la fin de l’année 2017, au moment où se jouait l’élection pour un siège au Sénat, remportée de justesse par le démocrate Doug Jones face au républicain Roy Moore. Présentant l’alcool comme un ennemi, la page « Dry Alabama » affichait aussi son soutien à Roy Moore, laissant entendre que ses supporters (et donc sa base politique) pouvaient être en faveur d’une limitation de l’alcool au sein de l’Etat. Il s’agissait, en réalité, d’une page tenue par des démocrates, qui espéraient de la sorte démobiliser les électeurs de Roy Moore attachés à la consommation d’alcool, selon le New York Times. « Si nous n’employions pas ces techniques, nous nous battrions avec une main attachée dans le dos », a expliqué au quotidien américain Matt Osborne, un sympathisant démocrate impliqué dans le stratagème.
Cette page, dont l’existence est dévoilée dans un article du New York Times du 7 janvier, est un exemple supplémentaire de plusieurs opérations d’influence électorale menées sur Facebook dans le cadre de cette élection sénatoriale en Alabama. Plusieurs d’entre elles ont été regroupées dans ce qui a été surnommé le « projet Birmingham », selon le Washington Post, qui en a publié les détails et le fonctionnement, sur la base de sources anonymes. Si ce projet n’émane pas directement du Parti démocrate, il aurait cependant servi à financer différents organismes pour qu’ils expérimentent des techniques d’influence électorale sur les réseaux sociaux en faveur des positions démocrates en Alabama.
Financements du fondateur de LinkedIn
Des activités qui ont conduit Facebook à fermer, fin décembre, cinq comptes en raison de leurs activités suspectes et « inauthentiques ». Parmi ces derniers, celui de Jonathon Morgan, l’un des dirigeants de l’entreprise New Knowledge, spécialiste en cybersécurité et en recherche sur les réseaux sociaux. M. Morgan a réagi le 2 janvier en publiant un long texte précisant les objectifs du projet de recherche : il y admet que New Knowledge a bien créé une fausse page Facebook diffusant des publications en faveur du candidat démocrate en Alabama, afin d’étudier la portée réelle d’une telle utilisation de Facebook.
Selon les informations du Washington Post, ce « projet Birmingham » a pu exister grâce au million de dollars fourni par Reid Hoffman au consortium American Engagement Technologies (AET), présenté comme spécialiste d’opérations d’influence et de lutte contre la désinformation sur les réseaux sociaux. Multimillionnaire de la Silicon Valley, Reid Hoffman est connu pour avoir fondé Linkedin, mais aussi pour son fort soutien à la campagne d’Hillary Clinton de 2016.
Dans une déclaration au Washingon Post, et dans un texte publié sur Medium fin décembre, il a toutefois démenti avoir été au courant des opérations précises menées grâce à son argent donné à l’AET. Il y indique être contre la diffusion de fausses informations et l’utilisation de faux comptes dans le cadre d’une campagne électorale… tout en présentant ses excuses pour avoir financé des activités qui ont pu mener de telles actions. Par exemple, la création de faux comptes Twitter d’apparence russe dans le cadre de l’élection sénatoriale d’Alabama : ces comptes se sont abonnés au candidat républicain Roy Moore, ce qui a pu jeter le doute sur d’éventuels liens entre le candidat et la Russie.
400 000 dollars de publicité
Outre l’élection sénatoriale en Alabama en 2017, des utilisations douteuses de Facebook ont vraisemblablement aussi été menées lors des élections législatives de mi-mandat en 2018. Facebook a ainsi indiqué au Washington Post mener une enquête interne sur le réseau de pages créé par News for Democracy.
Cette entreprise, au fonctionnement encore opaque, est également financée par Reid Hoffman selon le Washington Post. Elle a dépensé 400 000 dollars de publicité sur quatorze pages Facebook entre mai et octobre 2018, selon une enquête publiée par le magazine The Atlantic. Ces pages Facebook, créées sur des sujets de société variés (le sport, la religion, la liberté, le drapeau américain), postaient également de temps à autre des messages vidéo publicitaires remettant en cause les effets possibles des programmes des candidats républicains sur la vie courante… ce qui pourrait contrevenir aux conditions d’utilisation de Facebook, proscrivant notamment le fait de « tromper » les utilisateurs du réseau social sur l’origine et la finalité d’un contenu posté.
Interrogé par le Washington Post, un certain Dmitri Mehlhorn, qui fait partie du conseil d’administration de News for Democracy et qui se présente sur Twitter comme un « anti-Trump », s’est défendu en indiquant que son entreprise n’avait pas diffusé de fausses informations sur Facebook. Mais il estime dans le même temps que les groupes politiques américains devraient reprendre à leur compte des techniques de propagande en ligne mises en place par des agents russes en 2016.