L’Afrique derrière les barreaux
L’Afrique derrière les barreaux
Par Omar Ghannam
Le Comité international de la Croix-Rouge alerte sur la surpopulation carcérale dans les prisons du continent, dont le taux d’occupation moyen est de 200 %.
La Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA) en 2011, juste après sa rénovation. Aujourd’hui, le taux de surpopulation carcérale du centre de détention de la capitale économique ivoirienne est de 400 %. / Thierry Gouegnon/Reuters
7 000 prisonniers pour 1 500 places. A la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan (MACA), en Côte d’Ivoire, les détenus partagent les matelas pour y dormir à tour de rôle. C’est le constat alarmant qu’a fait Peter Maurer, le président du Comité international de la Croix-Rouge (CICR) en visite, mercredi 16 janvier, dans ce pénitencier, le deuxième plus grand d’Afrique.
Par cette opération, l’ONG voulait alerter sur la surpopulation carcérale en Afrique qui connaît un taux d’occupation moyen de 200 % dans la majorité des prisons. Difficile en effet pour les Etats africains en voie de développement de construire des lieux de rétention et de faire passer les dépenses d’entretien les plus élémentaires du système pénitentiaire dans des budgets déjà étriqués. Alors, sur le continent, les détenus sont les « derniers servis », ceux qui passent après les défis du développement, rappelle le président du CICR.
En l’absence de prise en charge institutionnelle suffisante, ce sont les ONG qui tiennent ces lieux de privation de liberté à bout de bras. Leur première mission est de répondre aux sérieuses carences alimentaires dont souffrent les détenus. En République démocratique du Congo (RDC), le CICR fournit des rations pour 5 700 détenus. Au Nigeria, il mène un programme nutritionnel qui aide 10 000 détenus. M. Maurer n’identifie pas vraiment de typologie des pays africains quant à la surpopulation carcérale, « le problème est devenu endémique depuis une vingtaine d’années », souligne-t-il. La détérioration des conditions de détention est un « cercle vicieux » qui a un fort impact sur la santé physique et mentale des détenus, insiste M. Maurer. Cela dit, le fossé se creuse lorsqu’il s’agit de « la disponibilité des gouvernements à reconnaître qu’il y a un problème et à ouvrir le dialogue avec la communauté internationale ».
En attente de jugement
Si le CICR voulait alerter sur ces besoins et sur l’état déplorable des bâtiments où hommes et femmes passent des années, l’ONG voulait aussi souligner les incohérences des systèmes pénaux. Pour Peter Maurer, il faudrait commencer par une « autre caractérisation des crimes ». Il est impensable à ses yeux de voir « un voleur de poulets traité de la même façon qu’un meurtrier ». L’ONG, qui sait bien que la « réforme des systèmes pénaux et judiciaires est difficile à accepter politiquement », plaide aussi pour une accélération du processus judiciaire en amont de l’incarcération. Jusqu’à 40 % des détenus sont en effet en attente de jugement et peuvent rester emprisonnés des années avant d’être présentés devant un juge.
A ce niveau, la Côte d’Ivoire semble sur la bonne voie : « Nos prisons ne sont plus adaptées », a reconnu le ministre de la justice ivoirien, Sansan Kambilé, lors de la conférence de presse tenue dans la prison elle-même. En réponse à ce constat, le gouvernement ivoirien prévoit l’inauguration d’un nouvel établissement à San Pedro, dans le sud-ouest du pays, et a lancé la construction d’une prison à Korhogo, dans le nord, et d’une autre à Guiglo, dans l’Ouest. Quant aux femmes et aux mineurs, qui sont confrontés à la même situation de surpopulation, ils devraient bénéficier de deux nouveaux pénitenciers à Abidjan, a annoncé le ministre.
Peter Maurer a aussi tenu à rappeler au Monde que la surpopulation carcérale n’est pas un problème exclusivement africain et que les prisons des pays développés souffrent elles aussi de cette réalité. En France, l’Observatoire international des prisons relevait en juillet 2018 un taux de détention record avec une quarantaine de prisons dont le taux d’occupation dépasse les 150 %.
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