A Paris, cheminements d’artistes au Collège des Bernardins
A Paris, cheminements d’artistes au Collège des Bernardins
La programmation culturelle du lieu tente de concilier les attentes d’un public majoritairement chrétien et des ambitions d’ouverture artistique.
C’est l’organe de réflexion de l’Eglise en France. Le Collège des Bernardins, dans le 5e arrondissement de Paris, voulu par le cardinal Lustiger, a ouvert en 2008 après une ambitieuse rénovation, par Jean-Michel Wilmotte, de son exceptionnelle nef de soixante-dix mètres de long, édifiée au XIIIe siècle. Lieu de cours du séminaire de l’Ecole Cathédrale, lieu de formation universitaire en théologie et de débats de société, le Collège propose également une programmation artistique. Cette dernière s’oriente vers l’art contemporain, malgré les contraintes du lieu et de son public.
« Trace et témoignage », tel est le titre de l’exposition qui s’y tient jusqu’au 2 mars. Le « témoignage » de Vincent Fournier, qui se définit comme chrétien, est biblique, avec un chemin de croix d’une touchante économie, à l’abstraction puissamment évocatrice, ou encore trois représentations de Véronique et une du suaire de Turin. Autant de « traces » de Dieu, aux origines acheiropoïètes (inexpliquées mais miraculeuses selon les croyants), que l’art, depuis le concile de Trente, est censé fidèlement reproduire.
Fidélité éclectique, certes, qui passe de l’icône byzantine au suprématisme russe, mais que certains habitués de l’ancienne sacristie, lieu d’exposition du Collège, jugeront classique et pieuse au regard de la programmation passée. En 2018, en effet, l’exposition « // DEVENIR // » avait proposé à dix artistes contemporains, dont Jean-Michel Alberola, une résidence d’un mois, sans aucune intention biblique.
Référence spirituelle
Pas de revirement cependant dans le positionnement de l’établissement. Sara Dufour, anciennement chargée de la programmation artistique, passée par le Centre Pompidou, qui militait en faveur d’un art résolument contemporain, est partie et a été remplacée. Mais même à son époque, chaque exposition s’inscrivait dans une réflexion, un cheminement intellectuel.
Les artistes de « // DEVENIR // » avaient ainsi suivi un séminaire au Collège avant d’y exposer. Et la référence spirituelle n’était jamais loin : Abdelkader Benchamma, qui a fait résonner l’Echo de la naissance du monde dans la nef pour les dix ans du Collège en octobre et novembre 2018, s’inspirait de Georges Lemaître, le physicien qui, le premier, a imaginé l’expansion de l’univers, et qui était aussi prêtre.
Vue de l’intérieur du Collège des Bernardins (Paris 5e) en août 2008. / PIERRE VERDY / AFP
Cette année, le séminaire « Beauté et Vérité », qui accompagne les expositions contemporaines, s’est tourné vers Vincent Fournier pour lui confier l’ancienne sacristie. Philippe Sers, diacre, philosophe et spécialiste de l’abstraction de Kandinsky, commissaire de l’exposition, a voulu explorer la puissance symbolique du papier et de la peinture. Le choix d’un artiste à l’expérience mystique forte s’est donc imposé. Car ici, toutes les voix peuvent être entendues.
« Trace et témoignage », Collège des Bernardins, 20, rue de Poissy, Paris 5e. Entrée libre. Jusqu’au 2 mars.