Les étudiants de la faculté de médecine d’Alger, à environ cinq kilomètres du centre, ont été strictement cantonnés sur leur campus par la police. / STRINGER / AFP

La contestation ne s’éteint pas en Algérie. Après les protestations des derniers jours, des centaines d’étudiants algériens sont mobilisés, mardi 26 février, contre un cinquième mandat du président Bouteflika, au pouvoir depuis 1999. En annonçant le 10 février sa décision de briguer à nouveau la présidence, le chef de l’Etat, qui doit annoncer sa candidature le 3 mars, a déclenché une contestation inédite par son ampleur, sa mobilisation et ses slogans visant directement le chef de l’Etat et son entourage.

A Alger, quelque cinq cents étudiants, restant sourds à la demande du gouvernement de s’en tenir au seul verdict des urnes lors de la présidentielle du 18 avril, se sont regroupés aux cris de « Non au cinquième mandat ! », « Bouteflika dégage ! », « Algérie libre et démocratique ». Les agents de sécurité de l’université ont cadenassé les grilles pour empêcher les étudiants de sortir, ont constaté des journalistes de l’Agence France-Presse. Un impressionnant dispositif policier a été déployé dans le centre-ville, et de nombreux véhicules des forces de l’ordre étaient garés sur les axes adjacents à l’université.

« Policiers et étudiants sont des frères », ont crié les étudiants aux membres des forces de l’ordre – certains arborant casques et boucliers antiémeutes –, déployés en nombre dans la rue. « Pour éviter la confrontation avec la police, les étudiants d’Alger ont décidé de se rassembler dans l’enceinte de l’université », a expliqué Raouf, étudiant en master de journalisme.

De nombreux autres rassemblements ont été rapportés par des médias ou sur les réseaux sociaux, à Alger et dans plusieurs villes du pays. Une centaine d’étudiants venus d’autres campus défilaient dans le centre-ville de la capitale, sans que la police intervienne. Les étudiants de la faculté de médecine d’Alger, à environ cinq kilomètres du centre, ont pour leur part été strictement cantonnés sur leur campus par la police.

En régions, des manifestations – dont il n’était pas possible de déterminer l’ampleur dans l’immédiat – avaient lieu à Constantine (400 km à l’est d’Alger), Tizi Ouzou (100 km à l’est d’Alger), Ouargla (est) ou encore Annaba (nord-est), d’après le site d’information Tout sur l’Algérie (TSA).

« Pas en mon nom ! »

« Pas en mon nom ! » est un des mots d’ordre de la contestation de mardi, qui a été lancée sur les réseaux sociaux en réaction au soutien affiché par onze associations estudiantines à la candidature de M. Bouteflika. « Nous organisons une démonstration de force afin de montrer que ces associations n’ont pas parlé en notre nom », a expliqué Hakim, 23 ans, étudiant en génie civil à l’université des sciences et technologie de Bab Ezzouar (USTHB), à une quinzaine de kilomètres d’Alger. Des enseignants et universitaires avaient appelé leurs collègues à se joindre aux étudiants.

Lundi, les autorités ont écarté implicitement l’hypothèse d’un renoncement d’Abdelaziz Bouteflika en affirmant que les « urnes trancher[aie]nt ». « Les élections auront lieu dans moins de deux mois et chacun choisira librement », a commenté le premier ministre Ahmed Ouyahia, alors que le délai de dépôt des candidatures expire dimanche à minuit. Il a mis en garde « contre les risques de dérapages sérieux ».

Ces derniers jours, face à la contestation, plusieurs membres du camp présidentiel ont agité le spectre de la « décennie noire » de guerre civile en Algérie (1992-2002), à laquelle M. Bouteflika est largement crédité d’avoir mis fin. Réélu sans discontinuer depuis 1999, ce dernier n’apparaît plus que très rarement en public depuis qu’il a subi un accident vasculaire cérébral en 2013.

Mardi, Reporters sans frontières (RSF) a accusé les autorités de chercher à « museler » les médias, en évoquant « interpellations, agressions, interdiction de couvrir, confiscation de matériel, pressions sur les médias publics et ralentissement du réseau Internet » depuis le début des manifestations.

L’opposant Rachid Nekkaz dit avoir été « placé en résidence surveillée illégale »

Rachid Nekkaz, opposant au président Bouteflika qui a décidé de briguer un cinquième mandat à 81 ans, annonce mardi 26 février sur franceinfo qu’il a été « placé en résidence surveillée illégale » dans sa maison « à 250 km à l’ouest d’Alger ». L’opposant, candidat à la présidentielle, se dit « porté » par la jeunesse algérienne et demande à Emmanuel Macron « de cesser de soutenir un régime mafieux » qui « instrumentalise le nom du président et l’image du président Bouteflika, mort physiquement », selon lui, « depuis longtemps déjà ».

Algérie : « Bouteflika dégage ! »
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