Deux des « réfugiés Snowden » obtiennent l’asile au Canada
Deux des « réfugiés Snowden » obtiennent l’asile au Canada
Par Martin Untersinger (avec Pauline Croquet)
Vanessa Rodel avait caché le lanceur d’alerte Edward Snowden en 2013 lorsqu’il était l’homme le plus recherché de la planète.
Première bouffée d’air frais pour les « réfugiés Snowden » : l’une d’entre eux a embarqué, lundi 25 mars, avec sa fille de 7 ans dans un avion en direction du Canada où elles viennent d’obtenir l’asile.
Ces réfugiés, pour la plupart des immigrés d’Asie du sud-est installés à Hongkong pour fuir des violences dans leurs pays d’origine, ont été rendus célèbres par le film Snowden d’Oliver Stone, sorti en 2016. On y découvrait le rôle méconnu de ces sept personnes dans la fuite, en mai 2013, d’Edward Snowden, ancien sous-traitant du renseignement américain qui venait de confier à des journalistes une montagne de documents secrets sur les activités de surveillance des Etats-Unis.
Après la sortie du film, les réfugiés et leurs avocats canadiens avaient déposé des demandes d’asile auprès des autorités d’Ottawa. Cela faisait plusieurs mois qu’ils attendaient avec anxiété que le pays dirigé par Justin Trudeau prenne une décision, au risque de se fâcher avec l’allié américain. La procédure a cependant été beaucoup plus rapide que pour d’autres réfugiés, précise la presse canadienne.
L’obtention de l’asile a été confirmée au Monde par Robert Tibbo, l’un des avocats canadiens des « réfugiés Snowden ».
Une « nouvelle vie »
Vanessa Rodel, la réfugiée philippine qui vient d’obtenir l’asile, a pris à plusieurs reprises la parole en public ces dernières années, notamment au congrès de hackeurs Chaos Computer Congress. Elle et ses avocats y avaient expliqué que les autorités hongkongaises les avaient soumis à de nombreuses représailles, rendant invivable leur situation déjà précaire dans un pays où la situation des réfugiés est très difficile. Elle est arrivée en 2002 à Hongkong, en provenance des Philippines, où elle dit avoir été violée par un officier de l’armée. Sans aucun droit, employée clandestinement, elle y a donné naissance à sa fille, qui est apatride. Edward Snowden a passé plusieurs nuits chez elle alors qu’il était l’homme le plus recherché de la planète.
« On commence une nouvelle vie, une vie meilleure » a déclaré Mme Rodel à Radio-Canada. « Merci à tous ceux qui, au Canada et dans le monde entier, ont rendu cela possible », a écrit Edward Snowden sur son compte Twitter. « Après tant d’années, la première des familles qui m’a aidé est libre et a un avenir. Mais le travail n’est pas fini – avec la solidarité et la compassion, le Canada peut tous les sauver ».
Risque de froisser les Etats-Unis
En accueillant deux des sept « réfugiés Snowden », le Canada prend le risque de froisser Washington, où Edward Snowden est toujours réclamé pour espionnage. De Hongkong, le lanceur d’alerte était parvenu à prendre la fuite vers l’Amérique latine, avant d’être coincé à Moscou suite à l’annulation de son passeport par les Etats-Unis. « Je présume que le gouvernement Trudeau est conscient de ce qu’il fait et des réprimandes éventuelles de la part des Etats-Unis » a expliqué à Radio-Canada Guillaume Cliche-Rivard, l’un des avocats de Mme Rodel.
Cette dernière va s’installer à Montréal. Cinq autres « réfugiés Snowden », des Sri-Lankais, attendent eux aussi la décision des autorités canadiennes les concernant.
« Ce que Trudeau doit faire désormais, c’est prendre ses responsabilités et accorder aux autres le statut de réfugiés et les amener au Canada », a déclaré au Washington Post l’avocat Robert Tibbo.