Sécurité routière : ces radars qui sauvent des vies
Sécurité routière : ces radars qui sauvent des vies
Editorial. Ceux qui saccagent les radars, sous couvert d’une désobéissance civile de pacotille, doivent prendre conscience que leurs actes mettent en danger la vie d’autrui.
Pose de panneau de limitation de vitesse, à Grenade (Haute-Garonne), en juin 2018. / PASCAL PAVANI / AFP
Editorial du « Monde ». « Mais arrêtez donc d’emmerder les Français ! » Combien de fois cette fameuse phrase de Georges Pompidou a-t-elle été prononcée ces derniers mois pour fustiger les velléités du gouvernement de tout régenter ? Elle était censée être l’expression même du bon sens contre cette puissance publique sourde et aveugle, toujours prompte à s’immiscer dans la vie privée des citoyens, qui, tantôt les dissuade de fumer en augmentant les prix du tabac, responsable de 80 000 morts par an, tantôt les oblige à rouler à 80 km/h sur les routes secondaires, à l’origine de plus de la moitié de la mortalité routière, et qui, plus généralement, cherche à les « piéger » en parsemant les bas-côtés de radars de vitesse, non pas pour les protéger, mais pour les racketter.
Alors, comme on continuait à les « emmerder », des Français ont pris les devants en saccageant les deux tiers des radars sur l’ensemble du territoire. Non contents de relativiser l’évidence du caractère accidentogène de la vitesse, certains ont cru que casser le thermomètre réglerait une fois pour toutes le problème.
La peur du gendarme
Ces actes de vandalismes irresponsables, brandis comme autant de trophées en plein mouvement des « gilets jaunes », n’ont toutefois pas été sans effets sur les comportements de nos concitoyens. Car, si les radars ne sont plus en état de permettre de verbaliser les contrevenants, ils ont continué tout de même à enregistrer les excès de vitesse, dont le nombre a explosé de 268,3 % en décembre, selon les chiffres de la Sécurité routière. Les Français ont beau se plaindre d’être infantilisés, la peur du gendarme reste encore le meilleur antidote aux incivilités et au non-respect du code de la route. Quand elle disparaît, le naturel revient au galop.
En janvier et février, la route a déjà fait plus de 500 morts. Alors que 2018 avait été marquée par un nombre de victimes historiquement bas, les chiffres s’emballent à nouveau. Face à la froideur des statistiques, la querelle sur leur interprétation est repartie de plus belle. L’association 40 Millions d’automobilistes « doute » que l’hécatombe soit due à la dégradation des radars, affirmant que nombre d’entre eux ont été déjà réactivés.
Un coût de 450 millions d’euros
L’argument, qui ne vise qu’à démontrer l’échec de la limitation à 80 km/h, aura du mal à convaincre. Le bilan dressé par le gouvernement sur le manque à gagner causé par la destruction des radars, qui va doubler cette année et coûter plus de 450 millions d’euros, montre que leur « réactivation » est toute relative et que les comportements risquent de continuer à se relâcher encore longtemps. Cette chute des recettes s’ajoute au coût des réparations, autant d’argent qui ne sera pas consacré à l’amélioration de la sécurisation du réseau routier avec encore d’autres victimes à la clef.
Bien sûr, le dysfonctionnement des radars ne peut expliquer à lui seul le rebond des accidents. Mais il est évident que ces actes de vandalisme ont sans doute coûté la vie à plusieurs dizaines de Français, qui ne se feront désormais plus « emmerder ». Sous couvert d’une désobéissance civile de pacotille, censée défendre la liberté individuelle, alors qu’elle ne fait qu’empiéter sur celle des autres, ces délinquants doivent prendre conscience que leurs actes vont bien au-delà de la simple détérioration de bien public en mettant en danger la vie d’autrui.