C’est à la fois le dernier rejeton d’une longue lignée et un objet inattendu, singulier. Présenté en 1998 au festival de Sundance, Quand nous étions sorcières est le premier long métrage de la réalisatrice Nietzchka Keene, morte à 52 ans en 2004. Tourné en noir et blanc dans la lande islandaise, il descend de ces films scandinaves comme Häxan, de Benjamin Christiansen (1922) qui ont évoqué les survivances du paganisme et leur lutte avec le christianisme. La tendance de l’auteure à l’abstraction visuelle, la présence de Björk (que Lars von Trier n’avait pas encore dégoûtée du cinéma) dans l’un des rôles principaux prêtent aussi à Quand nous étions sorcières une modernité séduisante.

L’histoire est adaptée d’un conte méconnu recueilli par les frères Grimm, Le Conte du genévrier. Au Moyen Age, deux sœurs Katla (Bryndis Petra Bragadottir) et sa cadette Margit (Björk) fuient la société des hommes après que leur mère a été brûlée comme sorcière. Katla séduit un fermier veuf et obtient de lui que les fugitives s’installent chez lui, avec son jeune fils. Celui-ci vit dans le souvenir de sa mère défunte que sa belle-mère veut effacer. Pendant ce temps, Margit, douée de pouvoirs plus puissants que son aînée bat la campagne.

Sacrifice

Ce conte n’est pas de ceux auxquels la maison Disney aurait pu apposer un happy end univoque. Le monde des jeunes sorcières est plein de périls, ceux que font courir les désirs masculins comme ceux que suscitent les pouvoirs magiques. Dans ces paysages sans arbres, dans cette maison à demi enterrée, il se trame quelque chose d’affreux et d’inévitable – une espèce de sacrifice que Nietzchka Keene met en scène avec autant de respect pour la criminelle que pour sa victime. Peu à peu, malgré l’austérité des moyens mis en œuvre, malgré les limites des interprètes (à l’exception de Björk), malgré sa brièveté, Quand nous étions sorcières prend une grandeur inattendue.

Film américain de Nietzchka Keene (1998), avec Björk, Bryndis Petra Bragadottir (1 h 18). Sur le web : capricci.fr/wordpress/product/quand-nous-etions-sorcieres/, www.facebook.com/capricci/