Des employés travaillent sur une turbine à l’usine General Electric (GE) de Belfort, en février 2017. / VINCENT KESSLER / REUTERS

Chargé d’affaires dans la division gaz, Quentin (les prénoms ont été changés) ne mâche pas ses mots : « Les dirigeants de GE Belfort sont des voyous. Pendant des semaines, ils ont affirmé ne rien savoir, ont prétendu que rien n’était fait. Qui peut les croire après la lecture du mail qu’on a tous reçu mardi matin [le 28 mai] ? »

Dans ce message « mûrement réfléchi et préparé de longue date », estime-t-il, la direction de General Electric expose aux salariés ses arguments pour justifier « la réorganisation » des activités gaz en France (1 044 emplois vont être supprimés dans l’Hexagone, dont 792 pour la division gaz). « On y lit, par exemple, que les ventes du site de Belfort ont été divisées par deux entre 2017 et 2018, mais on n’a pas cessé de lui retirer des activités ! »

Il bout : « Je n’ai plus du tout confiance, ni dans les manageurs de GE ni dans les responsables politiques français », lâche-t-il. « Larry Culp, PDG de GE, est venu en France début 2019. On sait que le président de la République, Emmanuel Macron, lui a demandé de ne pas dévoiler le plan social avant les élections européennes [du 26 mai]. Comme Bruno Le Maire, le ministre de l’économie et des finances, il était parfaitement au courant de ce qui se tramait ! »

Pour lui, la question est désormais de savoir comment les près de 800 suppressions d’emplois dans la division gaz vont être déclinées service par service et sur la base de quels critères.

« Ne pas oublier la casse sociale chez les sous-traitants »

Magasinier dans la branche Power de GE Belfort, Marius ne travaillait pas mardi. C’est un collègue qui l’a averti par téléphone. « On s’y attendait, mais ça fout quand même les boules », lâche-t-il. « Je ne sais pas ce qui va se passer lorsque je reprendrai le travail. J’appréhende un peu, mais, de toute façon, il faudra bien y aller… »

Benoît, lui, travaille dans la division nucléaire/charbon. Il se dit surpris par l’ampleur des chiffres avancés. « Pour l’instant, notre branche n’est pas impactée, mais jusqu’à quand ? » Il ajoute, en évoquant l’effet domino : « Il ne faut pas oublier la casse sociale chez les sous-traitants, où 1 500 emplois supplémentaires devraient disparaître. Ça fait lourd pour Belfort. C’est une catastrophe pour les salariés et pour la ville. »

Plusieurs élus n’ont pas, non plus, manqué de réagir. Dans un communiqué commun, Damien Meslot, maire de Belfort et président du Grand Belfort, Florian Bouquet, président du Département du Territoire de Belfort, Marie-Guite Dufay, présidente de la Région Bourgogne-Franche-Comté, Cédric Perrin, sénateur du Territoire de Belfort, Michel Zumkeller et Ian Boucard, députés du Territoire de Belfort, ont ainsi estimé qu’« il [s’agissait] d’une nouvelle épreuve pour la Cité du Lion, pour le bassin industriel du Nord Franche-Comté et plus largement pour la filière énergie en France (…) » Et d’ajouter : « Les engagements du géant américain, pris lors du rachat de la branche énergie d’Alstom, sont loin. Restent ceux pris par le gouvernement. »

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