Outre-Rhin, la voiture propre n’a guère la cote
Outre-Rhin, la voiture propre n’a guère la cote
LE MONDE ECONOMIE
Le gouvernement allemand a décidé de prolonger jusqu’à fin 2020 les primes à l’achat d’automobiles électriques qui étaient censées s’arrêter fin juin.
Le PDG d’Opel, Michael Lohscheller, présente la nouvelle Corsa-e, au siège de l’entreprise, à Rüsselsheim (ouest de l’Allemagne), le 4 juin. / DANIEL ROLAND / AFP
La voiture électrique suscite un engouement limité de l’autre côté du Rhin. Malgré les remises consenties en cas d’acquisition d’un véhicule hybride ou électrique, les ventes restent poussives. Le gouvernement allemand, par la voix du ministre de l’économie, Peter Altmaier, a donc annoncé, le 31 mai, la prolongation d’un an et demi de ces aides, qui étaient censées s’arrêter fin juin.
Lancée en fanfare au printemps 2016 pour une durée de trois ans, la « prime environnementale » durera jusqu’à fin 2020. La subvention à l’achat de véhicules neufs d’une valeur de moins de 60 000 euros est de 4 000 euros par voiture électrique et de 3 000 euros pour chaque véhicule hybride. Le contribuable finance la moitié de cette somme et les constructeurs automobiles l’autre moitié.
Berlin affiche ainsi sa volonté de soutenir la branche la plus innovante de son industrie automobile, celle qui devrait l’aider à atteindre ses objectifs en matière d’électromobilité et de réduction des émissions de gaz à effet de serre. Le lancement de la prime environnementale, au plus fort du scandale des moteurs diesel truqués de Volkswagen (VW), s’était accompagné de prévisions optimistes.
Avec une enveloppe budgétaire totale de 1,2 milliard d’euros, Berlin estimait qu’au moins 300 000 automobiles électriques seraient écoulées grâce à la subvention. Un objectif ambitieux, sachant qu’en 2016 à peine 50 000 « elektro-autos » étaient en circulation outre-Rhin sur un parc automobile de plus de 45 millions d’unités. « L’accroissement de la demande favorisera des investissements importants et nécessaires dans l’électromobilité, tout au long de la chaîne de valeur », avait prédit Sigmar Gabriel, le prédécesseur de Peter Altmaier.
A l’heure du bilan, force est de constater que, « dieselgate » ou pas, les automobilistes
allemands plébiscitent toujours le moteur à explosion. Seulement 118 000 demandes de prime ont été déposées, soit le tiers du chiffre escomptés, pour un montant total de 400 millions d’euros. C’est trop peu pour le ministre de l’économie, qui a exhorté le secteur à « améliorer encore son offre », soulignant que la survie de l’automobile allemande en dépendait, avec à la clé des centaines de milliers d’emplois.
Miser sur l’exportation
Tous les constructeurs allemands ont pourtant déjà répondu à l’appel. Dernier en date, Opel a dévoilé, mardi 4 juin, sa nouvelle Corsa-e, une « citadine » compacte qui devrait être commercialisée au printemps 2020, au prix de base de 29 900 euros. Avec la Corsa-e, qu’il a surnommée la « voiture électrique du peuple », le constructeur, filiale de PSA, entend concurrencer Volkswagen, dont le nom signifie « voiture du peuple » et qui a commencé, en mai, à commercialiser sa nouvelle ID3, dans la même gamme de prix.
Cependant, ces modèles d’entrée de gamme coûtent encore 8 000 euros de plus que la Renault Zoé, qui s’est hissée en haut du podium des voitures électriques les plus vendues outre-Rhin en 2018, avec seulement 6 360 exemplaires écoulés. Du côté des hybrides rechargeables, le japonais Toyota a damé le pion à Audi, Mercedes et BMW sur leurs terres l’année dernière.
Ces ventes décevantes sur leur marché intérieur n’ont pas dissuadé les constructeurs
allemands d’investir dans l’électromobilité. Volkswagen veut faire de son site de Zwickau, dans la Saxe, la première usine allemande entièrement consacrée aux véhicules électriques d’ici à l’été 2020 : 330 000 automobiles par an y seraient assemblées, soit près de dix fois le nombre de voitures électriques vendues en Allemagne l’année dernière.
VW devra donc miser sur l’exportation. Un pari risqué, quand on sait qu’aucune des « elektro-autos » allemandes ne s’est classée dans le top 20 des véhicules électriques les plus vendus au monde en 2018, d’après un décompte du ZSW, le Centre de recherche sur l’énergie solaire et l’hydrogène du Bade-Wurtemberg. Le classement était dominé par les Tesla, Toyota, Nissan et les constructeurs chinois ; la BMW série 5 hybride pointait à la 22e place.
La tendance de fond n’en est pas moins encourageante : les ventes de véhicules électriques et hybrides ont crû de près de 50 % en 2018. Le parc électrique a atteint près de 425 000 automobiles en fin d’année. Volkswagen vient d’annoncer un investissement de 250 millions d’euros pour installer 36 000 bornes de recharge en Europe d’ici à 2025. Cela aidera peut-être à convaincre quelques hésitants. Mais, pour que Berlin remplisse ses objectifs de réduction des émissions de dioxyde de carbone à l’horizon 2030, il faudrait alors, selon le ministère des transports, que 10 millions de voitures et 500 000 véhicules utilitaires électriques soient en circulation outre-Rhin.
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