« Les Initiés » : s’aimer à l’ombre des rituels dans « la nation arc-en-ciel »
« Les Initiés » : s’aimer à l’ombre des rituels dans « la nation arc-en-ciel »
Par Thomas Sotinel
John Trengove filme des relations homosexuelles clandestines dans une Afrique du Sud divisée.
Avec son titre un peu indéfini et ses plans déstructurés à la mode des festivals de cinéma d’auteur d’aujourd’hui, on pourrait classer Les Initiés dans le tout-venant de ces productions qui occupent brièvement les écrans. Ce serait une erreur : si l’on surmonte ces préventions, le premier long-métrage du Sud-Africain John Trengove laissera une trace profonde dans la mémoire. Pas seulement parce qu’il évoque une situation à peu près inédite – le choc entre la vie urbaine en Afrique du Sud et les rites initiatiques – mais surtout parce que Les Initiés se cristallise lentement, implacablement, en une tragédie amoureuse dont la conclusion coupera le souffle.
On est à l’extérieur de Johannesburg, en pays xhosa. Des jeunes gens, qui sortent de l’adolescence, sont mis à l’écart de la communauté pour être circoncis. Le rituel concernait à l’origine un village. Il est aujourd’hui prétexte à un retour aux racines. Des familles urbaines renvoient leur rejeton dans le village d’origine pour en faire un homme. C’est le cas de Kwanda (Niza Jay Ncoyini), garçon à la beauté sculpturale, que son père – dont le 4 × 4 témoigne de la prospérité – confie aux bons soins de Xolani (Nakhane Touré), qui, lui, ne ramasse que les miettes de la « nation arc-en-ciel ». Manutentionnaire dans une usine, il mène une existence dont la solitude n’est rompue que par ses retours au village à l’occasion du rituel.
C’est au moment où le scénario dévoile la vraie raison de ces retraites champêtres que Les Initiés change de nature. La chronique sociale se fait histoire d’amour. Parmi les autres tuteurs des initiés, il y a Vija (Bongile Mantsai), un homme fait, père de famille, mais aussi éternel amant de Xolani.
Des abîmes d’interrogation
Si son bourgeois de père a confié Kwanda à Xolani, c’est qu’il soupçonne son fils d’être homosexuel, et qu’il compte sur son aîné pour le remettre dans le droit chemin. Cette situation n’est pas la seule du film à ouvrir des abîmes d’interrogations : le père sait-il que Xolani est lui-même gay ? On dirait parfois que ce comportement réprouvé et parfois violemment châtié est toléré à condition qu’il reste caché. Vija a trouvé le plus classique et le plus efficace des camouflages : le mariage et la paternité, pendant que son amant est vulnérable.
John Trengove sait alterner les moments d’extrême tension et la nostalgie d’un passé insaisissable. Ce versant élégiaque du film cède la place, dans la dernière demi-heure, à la logique de la violence.
LES INITIES, Bande annonce, sortie le 19-04-17
Durée : 01:43
Film sud-africain de John Trengove. Avec Nakhane Touré, Bongile Mantsai, Niza Jay Ncoyini (88 min). www.arte.tv/fr/videos/065785-000-A/les-inities/