Reparcourir le procès France Télécom en 20 chroniques
Reparcourir le procès France Télécom en 20 chroniques
Par Pascale Robert-Diard
Trente-neuf victimes, dont dix-neuf se sont donné la mort entre 2007 et 2010. Plus d’une centaine de parties civiles. Soixante-six tomes de dossier. Durant deux mois et demi, Pascale Robert-Diard a suivi ce procès exemplaire.
« Juger, c’est aimer écouter, essayer de comprendre, et vouloir décider », avait dit la présidente, Cécile Louis-Loyant, à l’ouverture du procès France Télécom, lundi 6 mai, devant le tribunal correctionnel de Paris. Deux mois et demi plus tard, jeudi 11 juillet, c’est sur ces mêmes mots qu’il s’est refermé. « Tout au long de ces quarante-six audiences, le tribunal a aimé écouter et essayé de comprendre. Comprendre, c’est prendre ensemble. Quelle que soit la décision qui sera rendue, cette étape-là est atteinte » a déclaré la présidente en s’adressant, pour les remercier, à chacun de ceux qui, de leur place, ont concouru à la richesse des débats : prévenus, parties civiles, témoins, procureurs, avocats. « La dernière étape, vouloir décider, prend un poids très lourd en ce dernier jour » a ajouté Cécile Louis-Loyant avant d’annoncer que le jugement était mis en délibéré au 20 décembre.
Trois prévenus – l’ancien président Didier Lombard, son ex-numéro deux Louis-Pierre Wenès et le directeur groupe des ressources humaines Olivier Barberot – ainsi que l’entreprise France Télécom sont poursuivis pour « harcèlement moral ». Quatre autres prévenus répondent de complicité de ce délit.
Les débats ont été denses, parfois tendus. Les situations de chacune des trente-neuf personnes retenues comme victimes par l’instruction – dont dix-neuf se sont suicidées – ont été examinées. Leurs familles, leurs collègues de travail ont témoigné. Des experts de la souffrance au travail ont déposé. La mutation de l’entreprise, passée en quelques années du statut de service public en situation de monopole à celui de société cotée en Bourse, ouverte à la concurrence et confrontée à une révolution technologique, a été radiographiée.
Si vous avez manqué des chroniques, nous avons rassemblé tous les articles écrits par notre chroniqueuse judiciaire Pascale Robert-Diard depuis l’ouverture de l’audience.
1/Radiographie d’un système de harcèlement moral
Sept prévenus, dont d’anciens dirigeants de l’entreprise, comparaissent devant le tribunal correctionnel de Paris à la suite de la vague de suicides de salariés entre 2007 et 2010.
2/Pourquoi l’« homicide involontaire » et la « mise en danger d’autrui » ont été écartés
Ces délits étaient visés mais les juges d’instruction ont prononcé un non-lieu, et les prévenus comparaissent pour « harcèlement moral ».
3/Didier Lombard rattrapé par sa petite phrase sur la « mode » des suicides
A la barre du tribunal correctionnel de Paris, mardi 7 mai, l’ex-PDG de France Télécom Didier Lombard exprime son « profond chagrin » mais « conteste » les faits.
4/« Ces suicides ont eu valeur d’alerte »
Deux sociologues et un psychiatre ont exposé vendredi 11 mai devant le tribunal la spécificité des suicides au travail.
5/« La vision de Didier Lombard a sauvé l’entreprise »
Cité comme témoin devant le tribunal correctionnel, l’ancien gouverneur de la Banque de France, Jacques de Larosière, a rendu un hommage appuyé à l’ex-PDG de l’entreprise.
6/« On me disait, docteur, vous les écoutez trop ! »
Monique Fraysse-Guiglini, qui était médecin du travail dans une direction régionale, a livré, lundi, devant le tribunal correctionnel, un témoignage terrible sur la souffrance des salariés qu’elle a observée dans l’entreprise.
7/Les 22 000 « départs naturels » annoncés par Didier Lombard au cœur de l’audience
Le chiffre donné par le PDG en 2006 était-il une simple « prévision » ou une « cible » qui a participé au climat délétère qui régnait dans l’entreprise ?
8/Quand la direction exhortait ses cadres à « réussir les 22 000 départs »
L’ex-PDG de l’entreprise, Didier Lombard, s’exprime à la barre et dit « regretter » certains de ses propos sur les départs notamment le passage où il dit qu’il les fera « d’une façon ou d’une autre. Par la fenêtre ou par la porte ».
9/Les premiers de cordée et les autres
Les débats sur les méthodes de gestion de l’entreprise, et la souffrance qu’elles ont engendrée chez les salariés, offrent un miroir de l’actualité.
10/« Rien ne peut jamais justifier que l’on meure au travail »
Le délégué syndical SUD qui a déposé la première plainte en 2009 dénonce des « méthodes de gestion d’une extraordinaire brutalité ».
Au dix-septième jour d’audience, le tribunal correctionnel de Paris a entendu les proches de deux agents de l’entreprise qui se sont suicidés. Le ton est monté entre la présidente et les prévenus.
12/Comment défendre les prévenus sans blesser les victimes ?
Les avocats des prévenus se sont montrés plus offensifs en mettant en cause la partialité de l’instruction, mardi 4 juin, lors de l’examen de nouveaux cas de suicides d’agents de l’entreprise.
13/La direction était convaincue d’être « sur la bonne voie »
Le numéro deux de l’entreprise a appuyé sa défense sur une enquête, réalisée auprès des salariés en 2009, qui contredit l’état des lieux alarmant du rapport Technologia.
14/« Vous pleurez, Monsieur Lombard ? »
Les ex-dirigeants de l’entreprise, qui comparaissent depuis cinq semaines pour « harcèlement moral », ont exprimé pour la première fois de l’émotion, vendredi 7 juin.
15/« On n’a rien vu venir. C’est aussi parce qu’on a refusé d’écouter »
Le tribunal a visionné, vendredi 21 juin, un film commandé en 2009 par la direction de France Télécom au réalisateur Serge Moati, et qui s’est transformé en chronique de la crise.
16/« La mort de mon père, c’est la réussite de leur objectif »
Rémy Louvradoux, 56 ans, s’est immolé par le feu, le 26 avril 2011, devant l’agence de Mérignac (Gironde), après avoir été ballotté de poste en poste par sa direction. Jeudi 27 juin, sa fille a témoigné devant le tribunal correctionnel de Paris.
Deux mois se sont écoulés, l’audience entre dans sa dernière phase. Les débats ont été denses, parfois tendus. Morceaux choisis et illustrés de cette plongée dans l’histoire d’un monument national.
18/« Un immense accident du travail organisé par l’employeur »
Les avocats des organisations syndicales ont dénoncé dans leurs plaidoiries « l’aveuglement volontaire » des anciens dirigeants de l’entreprise.
19/L’accusation requiert une condamnation pour « harcèlement managérial »
Les procureures Françoise Benezech et Brigitte Pesquié ont demandé au tribunal de condamner les anciens dirigeants au maximum de la peine encourue, un an d’emprisonnement, et la publication du jugement.
20/L’avocate de l’entreprise demande de ne pas faire du procès « un symbole »
Me Claudia Chemarin a ouvert lundi 8 juillet les plaidoiries de la défense. Elle a dénoncé la partialité des magistrats instructeurs et appelé le tribunal à « aborder ce dossier de façon objective ».
La décision a été mise en délibéré au vendredi 20 décembre.