A la poursuite de pétales virtuels : on a essayé le casque HTC Vive
A la poursuite de pétales virtuels : on a essayé le casque HTC Vive
Par William Audureau
HTC Vive, le périphérique conçu par HTC et Valve, plonge le joueur dans un monde spatialisé. Nous l’avons essayé.
« Bon, eh bien on va arrêter là. » Balthazar Auxietre, le fondateur de la start-up française Innerspace, tente tout penaud de faire redémarrer le casque de réalité virtuelle dont, d’un grand coup de pied aveugle dans le vide, on vient de débrancher le fil.
Innerspace, jeune entreprise appartenant officiellement à Samsung mais sise au Kremlin-Bicêtre (94), travaille depuis deux ans sur plusieurs expériences en réalité virtuelle pour les principaux casques disponibles ou sur le point de sortir, comme le Samsung Gear VR ou l’Oculus Rift. Mais son projet le plus ambitieux, La Péri, tourne sur le HTC Vive, un produit très haut de gamme (et très coûteux), dont la principale particularité est de tenir compte des déplacements du joueur dans la pièce. Pixels l’a essayé.
La Péri se veut une expérience interactive immersive, pétrie de fantastique, d’onirisme et de théâtralité. Dans la peau d’un prince mourant, l’utilisateur descend, littéralement, dans un monde baroque enchanté avant de se retrouver sur la scène d’une ballerine virevoltante.
La Péri : A ballet in VR - Behind the scenes
Durée : 04:47
Cette production musicale inspirée de Fantasia brille avant tout par sa puissance artistique, sa féerie et son immersion enchanteresse. Ici, la réalité virtuelle est à son meilleur : un monde magique étrange et inédit enveloppe entièrement le joueur, où que se porte son regard.
Chasse aux papillons
La principale originalité du programme, par rapport à d’autres expériences, sur l’Oculus Rift par exemple, tient à sa spatialité. Dans une salle de test spécialement aménagée et insonorisée, le joueur peut en effet se déplacer sur plusieurs mètres, limité par les seules parois d’un cube en fil de fer, installé pour lui éviter de s’écraser violemment le nez contre l’un des murs de la pièce.
William Audureau/ Le Monde.fr
Autre spécificité : à la manière du PlayStation VR de Sony, le HTC Vive fonctionne avec deux contrôleurs à reconnaissance de mouvement. Ceux-ci s’apparentent à deux tiges robotiques que l’on tient dans le monde réel, et qui sont représentées dans le monde virtuel au même exact emplacement, de manière parfaitement synchronisée. Ils servent à pointer, activer, attraper, et à toutes formes d’interactions possibles. Ici, il sera question d’attraper des pétales volants, dans une sorte de chasse aux papillons. C’est du moins la description que peut en faire l’utilisateur : vu de l’extérieur, le porteur du casque donne surtout l’impression de combattre une mouche invisible suite à une descente de psychotrope.
La réalité à un fil
Au milieu de ce songe cyberpunk, un détail, systématiquement, vous relie à la réalité : le fil. Il est là, invisible casque sur les yeux, mais présent, de manière presque tactile, comme un compagnon reptilien qui descend le long de votre jambe, parfois s’y enroule, chevauche vos pieds, vous enlace, et s’ingénie discrètement à vous saucissonner pendant qu’une danseuse étoile faite d’une constellation de pétales rouges tourbillonnants bondit devant vos yeux. A elle, l’apesanteur, la grâce, le vol ; à vous, la promesse de vous rétamer.
William Audureau/ Le Monde.fr
La plupart des casques de réalité virtuelle sont très immersifs visuellement. Le HTC Vive est immersif spatialement. Il faut parfois faire un effort de concentration pour se figurer que la toponymie de l’espace de jeu ne correspond pas à celle que voient les yeux. Aussi merveilleux que soit ce monde, vous n’êtes qu’intellectuellement dans la matrice : dehors, le monde réel guette la moindre occasion pour vous rappeler sa cruelle existence, par exemple par un carton mal placé, un pied de chaise, ou une porte ouverte qui aurait dû être fermée.
Le mur du réel
A la poursuite de la ballerine, cette porte fermée bien réelle présente un obstacle qui n’existe pas dans la simulation. Comment contourner cet obstacle invisible indu, lâché en plein milieu d’un espace féerique virtuel ? On tâte, on pelote, on escalade, on tend le bras, la danseuse toujours là, à quelques centimètres devant, inaccessible à cause de ce morceau de réalité, qui n’a ni forme ni existence dans le monde virtuel, mais se contente d’être là, de bloquer, physiquement, l’expérience.
William Audureau/ Le Monde.fr
Par une étrange ironie du sort, cette porte, vue en entrant dans la salle, arbore une photographie de… François Hollande, en train d’essayer un casque de réalité virtuelle. « C’est le parrain de cette pièce d’essai », avait plaisanté Balthazar Auxietre quelques minutes plus tôt. Finalement, la ballerine virtuelle, au bout de quelques instants, s’envole, et son pétale avec elle. La porte, elle, est toujours là, au bout de votre propre main que vous ne pouvez même pas voir – sorte d’expérience à mi-chemin entre le rêve éveillé et la partie de colin-maillard.
De toutes les expériences de réalité virtuelle qu’il nous a été donné de voir, La Péri est l’une des plus abouties. Le HTC Vive pousse l’utilisateur à constamment cartographier dans sa tête mondes réel et virtuel, et à prendre pour acquis la coexistence des deux.
Une expérience mentale atypique, exaltante, et qui finit par déboussoler. Après s’être fatalement pris les pieds dans le fil, et avoir malencontreusement arrêté l’expérience, le retour à la réalité est difficile. Cette porte devant nous, là, avec la photographie de François Hollande, existe-t-elle vraiment ?