A Vitry-sur-Seine, vivre avec le risque de crue
A Vitry-sur-Seine, vivre avec le risque de crue
Par Laetitia Van Eeckhout
Le projet d’aménagement de la ZAC Seine Gare de Vitry cherche à concilier densification urbaine et réduction de la vulnérabilité en zone inondable.
Vue d'artiste du futur quartier "Seine-Gare de Vitry" à Vitry-sur-Seine (Val de Marne) avec une promenade haute en arrière plan. | EPA ORSA / Gemme & Jam / Yam Studio
Passer d’une logique du « vivre contre » à une logique du « vivre avec » le risque inondation : c’est tout le défi que veut relever la ville de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) sur la future ZAC Seine Gare Vitry. Un projet qui vient de recevoir, lors des Assises nationales des risques naturels qui se sont tenues les 22 et 23 mars à Marseille, l’une des récompenses du Grand prix d’aménagement 2015 « Comment mieux bâtir en terrains inondables constructibles ». Ce projet d’aménagement rompt en effet avec les stratégies adoptées jusque-là face au risque d’inondation, qui consistaient à sanctuariser en amont des zones de stockage de l’eau, ou à édifier des ouvrages de protection (digues, remblais…).
Aujourd’hui zone industrielle vieillissante, la ZAC Seine Gare Vitry s’intègre dans le vaste plan de réhabilitation des Ardoines à Vitry, piloté par l’Etablissement public d’aménagement Orly Rungis–Seine Amont (EPA ORSA). Le quartier est appelé à devenir, en 2022, un nouveau pôle d’attractivité et d’interconnexion du Grand Paris, avec le RER C et deux nouvelles lignes de transport, le TZ en 5 Vallée de la Seine en 2020 et la ligne 15 du Grand Paris express.
Situé au nord de cet ensemble, entre les voies ferrées et les berges de la Seine, et donc en zone inondable, la ZAC Seine Gare de Vitry a été pensée et conçue en intégrant la vulnérabilité au risque de crue majeure. Un enjeu crucial pour la ville de Vitry, dont toute la partie basse avait été inondée en 1910, dévastant quelque 1 500 logements et laissant 8 000 habitants sans abri.
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Double niveau
Ayant vocation à accueillir 4 000 logements mêlés à des bureaux, locaux d’activité, et commerces, soit quelque 10 000 habitants et 4 000 emplois, ce projet de réaménagement se caractérise par la création d’un double niveau : un rez-de-chaussée « bas » inondable, au niveau du sol, et un rez-de-chaussée surélevé non inondable. Ainsi les îlots d’immeubles seront reliés entre eux par des promenades hautes, qui seront elles-mêmes raccordées à un réseau de voiries majeures hors d’eau (à 3,5 mètres), traversant les Ardoines et rejoignant la partie haute de la ville.
Vue de l'ensemble des Ardoines à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), montrant la voie traversant le quartier qui restera hors d'eau en cas de crue et permettra de rejoindre la partie haute de la ville. | EPA Orly-Rungis-Seine Amont
Jean-Marc Bichat, de l’agence d’architecture Germe & Jam, qui a conçu le projet, explique :
« On a pendant des années oublié la géographie dans les projets d’urbanisme. Relevant du principe de précaution, les plans de prévention du risque inondation (PPRI) édictent des prescriptions à respecter pour réduire le risque des biens et des personnes, mais ils ne traitent pas la question de l’accessibilité, pourtant essentielle »
« En redonnant toute son importance à sa géographie, nous transformons ce territoire vulnérable au risque d’inondation, en un quartier résilient, favorisant en période de crue le maintien sur site de ses habitants dans des conditions acceptables », explique-t-il, tout en soulignant que l’objectif de résilience rejoint celui de qualité urbaine.
De fait, dans les rues inondables, l’impossibilité d’habiter le rez-de-chaussée édictée par les Plan de prévention du risque d’inondation (PPRI), conduit en général à avoir des murs aveugles ou des parkings. Or là, les promenades hautes permettront d’avoir des rez-de-chaussée surélevés habités. Et, piétonnes, elles offriront en plein cœur de quartier une voie au calme pour rejoindre les équipements publics, les écoles, des parcours sportifs…
Et en situation de crue, l’eau pourra librement s’écouler sur les jardins qui seront aménagés sur le rez-de-chaussée bas, et sous les immeubles. Mais grâce aux voies hautes, les habitants ne seront pas bloqués dans leur logement, pourront continuer à sortir de chez eux et rejoindre les quartiers voisins hors d’eau. Aussi, ces voies hautes seront accessibles aux véhicules d’entretien et de secours.
« Les habitants ne pourront sans doute pas rester vivre chez eux tout au long de la crise, reconnaît Guillermo Martin, directeur de projet en charge du suivi du réaménagement des Ardoines à la Ville de Vitry. Mais cet aménagement nous permettra d’améliorer notre gestion de crise. Car les résidents pourront toutefois s’y maintenir, le temps pour nous de nous occuper des quartiers à évacuer en urgence. » Une priorisation de ses actions, que Vitry, comme toute commune francilienne vulnérable aux inondations, se doit d’envisager. Surtout depuis que le secrétaire général de la zone de défense et de sécurité de Paris a déclaré qu’en cas de crue majeure en Ile-de-France, l’Etat ne serait pas en mesure de prendre en charge l’évacuation de la population dans son ensemble : son action se concentrerait prioritairement sur les plus sensibles (malades, personnes âgées…).
Trois mesures pour renforcer la culture du risque
« Si la France est concernée par tous les risques naturels, le risque inondation est le plus présent puisqu’il concerne une commune française sur deux », a rappelé Ségolène Royal en ouverture des Assises nationales du risque qui se tenaient à Marseille les 22 et 23 mars. « Une meilleure information, une meilleure culture du risque doivent permettre de mieux protéger les populations en leur permettant d’adopter des comportements adaptés face au risque », a insisté la ministre…