« Après Mai » : et tout ne fut pas possible
« Après Mai » : et tout ne fut pas possible
Par Thomas Sotinel
Olivier Assayas raconte le combat contre la montre d’un adolescent contre le délitement des utopies de Mai 68 (mardi 3 mai à 0 h 05 sur France 3).
Après Mai Bande Annonce
Durée : 01:35
Olivier Assayas raconte le combat contre la montre d’un adolescent contre le délitement des utopies de Mai 68.
Pendant quelques années, les certitudes se sont envolées. C’était après Mai 68, le champ des possibles s’étendait à perte de vue, terrifiant et exaltant. C’est à ce moment qu’Olivier Assayas, né en 1955, est devenu adulte et artiste. En 2005, il est revenu sur ses premiers pas en publiant un texte, « Une adolescence dans l’après-Mai » (Cahiers du cinéma). De cette réflexion sur les forces qui ont infléchi son parcours est né une pure fiction, qui évoque une époque lointaine tout en mesurant avec une rigueur quasi scientifique les ruines fécondes qu’ont laissées derrière elles les illusions enfuies.
Lola Créton (Christine) dans « Après Mai » d'Olivier Assayas | CAROLE BERTHUEL - © MK2/FRANCE 3 CINÉMA/VORTEX SUTRA
Après Mai, le film, est un récit d’apprentissage dont le héros a plusieurs traits communs avec l’auteur. Lycéen en banlieue, artiste en devenir, fils de cadre dirigeant de l’industrie culturelle, Gilles (Clément Métayer) n’est pourtant pas le double d’Olivier Assayas. C’est un personnage romanesque, sombre, qui s’inquiète de voir le monde et les êtres lui échapper. Pour figurer Gilles et ses compagnons à l’écran, Assayas a privilégié l’âge et l’inexpérience. La gaucherie d’un acteur débutant devient celle d’un adolescent qui sent le monde lui échapper. Au fil du récit, on croit voir le jeune homme vieillir. Tout comme le personnage devient adulte et se résout à affronter ses dilemmes, le lycéen devient acteur.
Plans fluides
Cette éducation (sentimentale, politique, esthétique) est mise en scène avec un parti pris très précis. Certains pourront concevoir de la nostalgie en retrouvant à l’écran les détails exacts de leur jeunesse. Mais tout attendrissement du spectateur serait étranger aux intentions du réalisateur. Avec son complice habituel, le chef opérateur Eric Gautier, le cinéaste procède par plans fluides, réunis en séquences cohérentes, elles-mêmes séparées par de longues ellipses temporelles. C’est l’espèce de course contre la montre que Gilles mène contre le délitement des utopies de Mai 68 qui fait la matière dramatique du film.
Something in the Air (Après mai) Official Trailer #1 (2013) - Drama Movie HD
Durée : 02:56
Ce combat individuel est entravé par les troubles ordinaires de l’adolescence. La grande histoire est cruelle, qui façonne même les peines de cœur d’un adolescent de l’après-Mai 68. Gilles ne sait retenir Laure (Carole Combes) sans pouvoir aimer tout à fait Christine (Lola Créton). L’amitié même qui le lie à Alain (Félix Armand) se distend quand un désaccord sur la pratique artistique, politique et esthétique se fait jour entre les deux garçons. Après Mai est parsemé de ces informations qui mesurent la distance qui nous sépare de cette époque où la tolérance n’était pas de mise ; où un proviseur pouvait dire à un lycéen : « Je ne veux pas vous encourager à la délation. »
Olivier Assayas | Après Mai
Durée : 18:18
Les tribulations de Gilles le mènent en Italie pour un voyage entamé sous le prétexte d’une recherche sur le cinéma de propagande. A chaque étape, les couleurs du temps changent, de l’extase solaire d’une balade en barque sur la Méditerranée aux lumières artificielles d’un concert dans un amphi.
Après Mai est parsemé de boules de feu dont l’explosion signale une inflexion du parcours du héros. Peu à peu, le sol se fait plus ferme sous les pas du héros, comme une plage qui sèche après le reflux. Cet adolescent dans l’après-Mai trouve une place dans le monde, et c’est le cinéma qui la lui offre.
Après Mai, d’Olivier Assayas, avec Clément Métayer, Lola Créton, Félix Armand, Carole Combes (Fr., 2012, 122 min). Le mardi 3 mai à 20 h 30 sur France 3.
L'affiche d'« Après Mai », film d'Olivier Assayas (2012).