Dopage : après l’athlétisme russe, la natation ?
Dopage : après l’athlétisme russe, la natation ?
Par Clément Guillou
Depuis 2009, 23 nageurs russes ont été contrôlés positifs. Et selon « The Times », d’autres cas auraient été cachés par les autorités.
« Si je vous parle, je finirai sous le prochain train en gare de Moscou, comme tous ceux qui en savaient trop » : ce haut responsable de la natation russe a, dans sa brève réponse au journal britannique The Times, résumé le climat qui règne autour des succès sportifs au pays de Vladimir Poutine. Ne pas y voir une paranoïa excessive : en février, les anciens numéros un et deux de l’Agence antidopage russe (Rusada) sont morts mystérieusement à deux semaines d’intervalle. L’un d’entre eux s’apprêtait à écrire un livre riche en révélations.
Les responsables de l’athlétisme et de la lutte antidopage russes ne sont pas les seuls à avoir des choses à cacher, selon l’enquête du Times parue mercredi 23 mars. Un entraîneur étranger approché par la Russie rapporte l’existence d’un « laboratoire pharmaceutique » dans un centre d’entraînement qui lui évoque le dopage d’Etat de l’Allemagne de l’Est et de l’Union soviétique.
Le journal souligne cependant que le président de la Fédération russe, l’ancien champion olympique Vladimir Salnikov, tente selon certaines sources de se débarrasser des médecins troubles gravitant autour des bassins nationaux.
Portugalov, sur les pistes et au bord des bassins
Parmi eux, l’illustre Sergueï Portugalov, au cœur du scandale de dopage organisé dans l’athlétisme russe. Portugalov, dont l’Agence mondiale antidopage a requis la suspension à vie, était jusqu’au scandale à la commission médicale de la Ligue européenne de natation et de la Fédération russe de natation. Selon le Times, sa collaboration avec les nageurs russes remonte à 2009.
Depuis, 23 Russes ont été suspendus pour dopage, un nombre qui excède de loin celui des autres nations. Et encore, tous les contrôles positifs n’ont pas été révélés : en 2009, les médias russes se font l’écho de deux contrôles positifs à l’EPO qui ne seront jamais officialisés par la Fédération internationale de natation (FINA).
Plusieurs sources russes confirment au Times que ces nageurs étaient bien positifs, mais que le docteur leur ayant fourni l’EPO avait des relations haut placées dans la police, ce qui avait permis d’étouffer l’affaire.
Poutine décoré par la Fédération internationale
La direction de la FINA est notoirement proche de la Russie. En 2015, elle a refusé d’enlever à Kazan l’organisation des championnats du monde de natation malgré l’avalanche de cas positifs et l’enquête sur l’athlétisme russe, qui était alors en cours. M. Poutine a reçu la plus haute décoration de la FINA, en 2014.
Les spécialistes de nage en eau libre passent devant le palais présidentiel du Tatarstan lors des Mondiaux de Kazan, en juillet 2015. | Sergei Grits / AP
Sur la totalité de l’année 2015, et malgré les lourds soupçons pesant sur la natation russe, la FINA n’a diligenté qu’une dizaine de contrôles sur ses champions. Mais sur le seul mois de février 2016, ce nombre a été multiplié par quatre.
Dans ce contexte, les appels se multiplient en faveur d’une suspension de la Russie aux Jeux olympiques de Rio et d’une enquête sur l’ensemble de cette fabrique de médailles – la Fédération de Russie a terminé quatrième au tableau des médailles à Londres en 2012. Le comité des sportifs de l’Agence mondiale antidopage a récemment adressé une lettre en ce sens au président de l’agence. La natation fait partie des « sports présentant un risque élevé », estime sa présidente, l’ancienne fondeuse canadienne Beckie Scott.
Quels nageurs russes à Rio ?
En plus des athlètes, dont la présence à Rio est très compromise, les lutteurs, grands pourvoyeurs de médailles, ne sont pas certains d’être présents au Brésil à la suite d’une enquête interne ayant révélé des « dizaines » de cas positifs. Et même si des nageurs russes se présentent sur le plot de départ à Rio, il n’est pas certain qu’ils soient compétitifs.
Ce mois-ci, la Russie a publié la liste des nageurs éligibles aux qualifications olympiques, dont étaient absents plusieurs grands noms des bassins. Parmi eux, le spécialiste du 100 m Vladimir Morozov ou la dossiste Daria Ustinova.
La quadruple championne du monde de brasse Yulia Efimova était bien présente sur cette liste, mais elle a depuis été contrôlée positive une deuxième fois, au meldonium, comme nombre de sportifs russes. Elle risque une suspension à vie.