Europe Ecologie-Les Verts, un parti en miettes
Europe Ecologie-Les Verts, un parti en miettes
Par Raphaëlle Besse Desmoulières
L’entrée au gouvernement d’Emmanuelle Cosse et des ex-EELV, Jean-Vincent Placé et Barbara Pompili, est perçue, dans l’entourage de Cécile Duflot, comme une stratégie destinée à affaiblir cette dernière en vue de la présidentielle de 2017.
EELV : malaise au lendemain du remaniement
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I>Télé, BFMTV, France Info, France Inter
Le parti de Cécile Duflot parviendra-t-il à se relever du coup que vient de lui porter Emmanuelle Cosse ? Contre l’avis de sa formation, la secrétaire nationale d’Europe Ecologie-Les Verts a accepté, jeudi 11 février, de devenir ministre du logement et de l’habitat durable. Sa décision intervient en plein débat sur la déchéance de nationalité – une mesure à laquelle elle a réaffirmé son opposition vendredi sur France Inter – et quelques jours après le refus de Nicolas Hulot de rejoindre ce même gouvernement.
L’ex-présidente d’Act Up siégera en conseil des ministres aux côtés de deux autres écologistes qui avaient claqué la porte d’EELV en 2015 : Jean-Vincent Placé, nommé secrétaire d’Etat à la réforme de l’Etat, et Barbara Pompili, secrétaire d’Etat à la biodiversité.
La patronne du parti et deux des trois coprésidents des groupes parlementaires : François Hollande ne pouvait rêver meilleures prises de guerre pour symboliser le retour des écologistes au gouvernement.
Mais l’affichage est en trompe-l’œil. Si Mme Cosse a dit oui, le parti ne l’a pas suivie. Dès mercredi, un communiqué d’EELV martelait que l’heure n’était pas à la participation gouvernementale.
Quant à M. Placé et Mme Pompili, ils ne représentent à l’heure actuelle qu’un microparti né d’une scission d’EELV et membre de l’Union des démocrates et des écologistes (UDE).
Stratégie d’affaiblissement de Cécile Duflot
L’entourage de Cécile Duflot ne peut s’empêcher de voir dans le choix de ces trois personnalités une stratégie destinée à affaiblir l’ex-ministre du logement qui n’a pas caché ces derniers mois ses ambitions pour 2017.
« Ce n’est pas du tout un dispositif de reconfiguration d’une majorité gouvernementale, c’est un dispositif tactique et cynique pour essayer de faire de la politique de bas étage », estime ainsi David Cormand, qui a succédé jeudi après-midi à Mme Cosse à la tête d’EELV.
La députée de Paris, qui avait déjà assisté au détricotage de sa loi ALUR avec Sylvia Pinel à qui succède Mme Cosse, doit en outre encaisser l’arrivée de son ancienne protégée dans le ministère qu’elle a occupé de 2012 à 2014. Des critiques auxquelles la nouvelle ministre a répondu vendredi sur France Inter : « Mon parti a des difficultés et ce n’est pas mon départ qui les aggrave ou pas ».
Comme l’avait fait François Hollande jeudi soir sur TF1 et France 2, Mme Cosse s’est défendue de tout « marchandage » pour entrer au gouvernement alors que le président de la République a annoncé un « référendum local » sur le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique) d’ici à octobre. La ministre du logement, qui a redit son opposition au projet, a salué « une volonté de remettre ce dossier dans le débat public ».
« Cosse n’a rien négocié, cela fait des semaines que Hollande et Valls travaillent sur cette hypothèse, souligne Yannick Jadot, député européen EELV. Mais ce que demandent les opposants au projet, c’est une étude indépendante sur les coûts. Ce n’est pas la même chose et ce n’est pas ce qu’elle a obtenu. »
Dans une lettre adressée jeudi aux militants, Mme Cosse, qui y précisait se mettre « en retrait d’EELV », assurait avoir pris cette « décision difficile » avec « la conscience tranquille ». Selon elle, il y a « une opportunité à se saisir de leviers d’action qui, face aux urgences sociales et environnementales », lui paraissent prévaloir « sur la somme des désaccords ».
« Emma Cosse au gouvernement : la déchéance, c’est maintenant »
Conformément aux statuts du mouvement, M. Cormand, jusqu’à présent secrétaire national adjoint d’EELV, a pris les rênes du parti jusqu’au prochain congrès de la formation qui doit se tenir en juin.
Prévenu par Mme Cosse dans la matinée, le nouveau numéro un regrette ce choix. « C’est une trahison par rapport à ses convictions, critique-t-il. Le parcours politique d’Emmanuelle Cosse est le contraire de la résignation et de la compromission. »
En interne, le choc a été dur à encaisser. « Une secrétaire nationale qui se désintéresse du parti qui l’a mis à cette position pour préférer un poste à son mouvement, ça en dit long sur l’état de notre formation », se désole M. Jadot.
Certaines réactions ont été plus violentes. Si Cécile Duflot n’a pas publiquement réagi, ses proches s’en sont chargés. « Cosse nous fait une Besson », fustige ainsi Marine Tondelier, une dirigeante d’EELV. Une référence à l’ancien socialiste qui avait rejoint Nicolas Sarkozy dans l’entre-deux-tours de la présidentielle de 2007.
« Emma Cosse au gouvernement : la déchéance, c’est maintenant », a également tweeté Sergio Coronado, député EELV des Français de l’étranger.
A contrario, à l’UDE, on prend la défense de l’ex-vice présidente chargée du logement au conseil régional d’Ile-de-France. « Avec Emma, Hollande choisit quelqu’un d’utile, de pragmatique, qui plus est sur un sujet qu’elle maîtrise », s’est réjoui Christophe Cavard, député du Gard.
Délicate position d’équilibriste
La décision d’Emmanuelle Cosse n’est au final pas vraiment une surprise dans le parti, où elle était de plus en plus isolée. Dans une délicate position d’équilibriste, elle avait cherché à rester proche des progouvernement tout en cultivant sa proximité avec Mme Duflot.
Mais les relations s’étaient distendues, notamment après le départ fracassant de l’ex-ministre du logement du gouvernement en 2014 souvent vécu comme un coup de force en interne. Mme Cosse s’était aussi attirée des inimitiés en s’affichant à une réunion organisée en avril 2015 par les futurs sécessionnistes – Jean-Vincent Placé et François de Rugy en tête.
Le congrès de juin ne pouvait s’annoncer plus mal pour un parti désormais en miettes, où les derniers écolos réformistes pourraient être tentés de rejoindre leurs camarades de l’UDE revigorés par ces nominations.
Cette échéance interne devrait pourtant être l’occasion de réfléchir au sens de la décision d’Emmanuelle Cosse qui s’inscrit dans la continuité de celles de Jean-Vincent Placé et François de Rugy en 2015 et de celle de Cécile Duflot un an plus tôt. Des choix individuels qui ne sont que le reflet d’une formation qui a perdu le sens du collectif.