La pression contre Michel Field se précise à France Télévisions. Les rédactions de France 2, France 3 et du site Francetv info ont adopté, mardi 19 avril à une majorité de 65 % des voix, la motion de défiance contre le directeur de l’information, dont ils fustigent les méthodes. M. Field, qui avait exclu de démissionner avant le vote, sort incontestablement fragilisé de cette consultation.

Contactée par l’Agence France-Presse (AFP), la direction de France Télévisions s’est refusée à tout commentaire sur le résultat du vote contre le directeur de l’information nommé par la présidente Delphine Ernotte en décembre.

Inquiétudes sur le projet de fusion des rédactions

A la question « Faites-vous confiance à Michel Field pour diriger l’information de France Télévisions ? », 65,14 % des journalistes ont répondu « non », 18,26 % ont répondu « oui » ; et 16,60 % « ne se prononce pas », ont fait savoir les sociétés des journalistes de France 2, France 3 et Francetv info. Le taux de participation a été de 67 %.

Les sociétés de journalistes (SDJ) avaient décidé d’organiser ce vote pour protester contre « le mépris, la désinvolture et parfois la grossièreté affichés par le directeur de l’info ». Elles dénonçaient également « l’absence de réponses concrètes aux multiples interrogations suscitées par le projet de chaîne d’info publique » ou encore l’épineux dossier de fusion des rédactions de France 2 et France 3, engagé par l’équipe précédente et repris par M. Field.

« Chaque rédaction a son cheval de bataille : France 3 l’arrêt de la fusion, France 2 la défense de ses magazines, et Francetv info le nom de la future chaîne tout-info qui est aussi une offre numérique. Mais nous avons tous en commun la volonté d’offrir au public une offre diversifiée », avait souligné la SDJ de France 3 dans un courriel envoyé lundi aux journalistes de la chaîne.

« L’arme ultime de nos rédactions »

« C’est une position nouvelle et forte en commun. Elle justifie que nous restions unis », poursuivait la SDJ, qui n’avait toutefois pas donné de consigne de vote aux journalistes. « On déclenche ce qui est pour quelques journalistes l’arme ultime de nos rédactions », avait expliqué la semaine dernière Manuel Tissier, le président de la SDJ de France 2.

Les sentiments étaient partagés selon lui entre des journalistes qui pensent qu’une motion est « surdimensionnée » et d’autres qui estiment qu’« on a atteint un point de non-retour ».

« Il n’y a pas eu de dialogue depuis l’arrivée de Michel Field », regrettait Bastien Hugues, de la SDJ de Francetv info. Le jeune site s’était mis en grève au début du mois, pour la première fois depuis sa création, pour protester contre le nom pressenti pour la future chaîne d’info, « France Info », de crainte qu’il ne nuise à sa marque.

« J’entends le malaise »

« Quand il y a une motion de défiance, c’est un singulier rappel à l’ordre (…). On écoute ce que cela veut dire et on y répond », avait réagi M. Field dans un entretien au Parisien ce week-end. « Je n’ai pas l’intention de démissionner », avait-il prévenu, assurant que « quel que soit le résultat du vote, [il] entend[ait] le malaise et les critiques ».

L’ancien journaliste, nommé en décembre à la tête de l’information, a reconnu certaines erreurs : « Il s’agit de tisser un lien que je n’ai pas su tisser à mon arrivée. J’hérite d’une immensité de dossiers simultanés », s’était-il justifié. En signe d’apaisement, M. Field a également renoncé au projet de confier à un producteur extérieur l’une des émissions politiques de la rentrée.

Une motion de défiance n’est pas synonyme de départ. En 2012, la rédaction nationale de France 3 en avait voté une contre le patron de l’information d’alors, Thierry Thuillier. La SDJ de France 3 l’accusait de « favoriser systématiquement France 2 concernant la couverture commune des événements politiques et internationaux ». Pour autant, M. Thuillier n’est parti qu’en 2015.

A Radio France, le président Mathieu Gallet a aussi survécu à une motion de défiance au printemps 2015, votée par les salariés au cours d’une grève historique.