Vue aérienne du campus de la Harvard Business School. | By HBS1908 (Own work) [CC BY-SA 3.0 (http://creativecommons.org/licenses/by-sa/3.0)], via Wikimedia

Le propos est alléchant  : quels principes moraux président à la formation des étudiants en MBA de l’école de management d’Harvard, l’une des plus réputées du monde, d’où sont sortis bon nombre de grands patrons américains ? L’auteur est, à cet égard, un observateur particulièrement bien placé.

Diplômé de l’Essec et de l’EHESS à Paris, il a enseigné l’administration des entreprises dans cette vénérable institution de Boston, de 2005 à 2015, après avoir officié dans les business schools de Yale et de l’université de New York.

Michel Anteby explique toutefois d’emblée qu’il n’a pu effectuer l’« enquête ethnographique » qu’il comptait mener. Parler de censure est mal comprendre le monde feutré de la Harvard Business School (HBS) : certains lui ont discrètement signifié qu’une telle entreprise menacerait sa promotion de professeur assistant à professeur associé…

Michel Anteby a préféré mettre fin aux entretiens auprès de ses collègues pour se contenter de ce qu’il appelle une « auto-ethnographie », fondée sur sa propre expérience dans l’école.

Sans jamais citer donc, ni les autres professeurs ni les étudiants de l’école, l’auteur étaye sa thèse  : HBS « défend une idéologie de la non-idéologie pour socialiser ses membres »  ; elle « promeut un silence relatif sous couvert de respecter une multitude de points de vue ».

Individualisme héroïque

Michel Anteby décortique un « silence parlant », à savoir une « routine qui implique une prise de décision déterminante des participants, moyennant peu de consignes directes de leur hiérarchie ». Silence auquel contribue un ordonnancement de longue date entre les murs néogéorgiens de l’école, installée depuis 1926 dans un univers assez clos.

Sur quatorze hectares arborés circulent 3 200 personnes, dont quelque 900 étudiants en MBA dûment sélectionnés pour un cursus de deux ans, et 200 professeurs, souvent eux-mêmes anciens élèves d’Harvard.

A l’instar d’une formation en médecine, écrit l’auteur, celle en gestion « incite à considérer la vie de l’entreprise comme une succession de problèmes qui exigent des solutions variées et éprouvées ». Dans les cours et les études de cas, méthode pédagogique qui a autrefois distingué la HBS, l’individualisme héroïque est valorisé mais les contraintes sociales sont souvent ignorées  : « Il est ainsi difficile de trouver dans le cursus des cas qui traitent d’actions syndicales. »

Que penser d’un monde où, par exemple, la question de la réduction des inégalités sociales et celle de la recherche de profit sont jugées d’égale importance ? Michel Anteby pose la question mais élude la réponse.

Aujourd’hui professeur en sociologie à l’université de Boston, Michel Anteby ­bénéficie de ce fait d’une expérience supplémentaire en matière de formation des élites américaines. Pour un prochain ouvrage ?

« L’Ecole des patrons », de Michel Anteby, Editions Rue d’Ulm, 264 p., 22 €.