L’« Aquarius », premier « bateau citoyen », a sauvé 916 migrants
L’« Aquarius », premier « bateau citoyen », a sauvé 916 migrants
Par Maryline Baumard
Des citoyens qui financent le sauvetage en mer ? C’est le principe même de l’ONG « SOS Méditerranée » qui lance sa campagne 2016.
Elio Desiderio / AP
Ils voulaient un « bateau citoyen » qui sauverait des vies. Un navire financé par un élan de générosité de donateurs privés… L’humanitaire Sophie Beau et le capitaine de marine marchande, Klaus Vogel ont affrété l’« Aquarius » et en deux mois de Méditerranée affichent le sauvetage de 917 hommes, femmes et enfants promis à une noyade certaine.
Un an après sa naissance, leur ONG, SOS Méditerranée, se positionne comme un opérateur de sauvetage crédible qui a gagné sa place au côté des militaires et des garde-côtes italiens. De la minuscule équipe qui la gère émane une conviction profonde, celle que « les politiques n’ont pas pris la mesure de la situation et que nous sommes installés dans une crise migratoire durable », insiste Sophie Beau, sa directrice générale. À ce constat, Francis Vallat, le président, ajoute que « face à cette situation dramatique, la société civile doit contribuer de manière indépendante, pérenne et en dehors des agendas politiques à la mission de sauvetage en mer insuffisamment prise en compte par les pouvoirs publics ».
100 000 euros en 5 jours
La première campagne de l’« Aquarius » a confirmé l’intuition de la petite équipe : que la société civile avait envie de sauver des vies. « Nous avons été financés à 98 % par des dons privés. Très vite les gens ont adhéré à notre projet et nous avons obtenu 100 000 euros en 5 jours » sur Ulule, insiste le responsable de la collecte, Jean Karinthi. Les 2 % restants proviennent de la ville de Paris et de deux députés qui taisent leur nom, mais ont offert leur réserve parlementaire. Une seule fondation a donné, celle de BNP Paribas, « et les entreprises ne se sont pas à ce jour senti interpellées », regrette M. Karinthi.
Cette fois, il ne s’agit plus de sillonner pendant deux mois la mer Méditerranée, mais d’être présent tout l’été entre la Sicile et la Libye. Pour cela, la petite ONG a besoin d’un peu plus d’un million d’euros, puisqu’une journée de mer coûte 11 000 euros. Sur toute l’année 2016, le budget sera de 3,6 millions d’euros. Mais c’est le prix pour sauver des vies. « L’Aquarius est équipé pour abriter les migrants. Et nous travaillons avec Médecins sans Frontières, afin d’offrir aux arrivants les soins dont ils ont besoin » rappelle Mme Beau.
Des sauvetages in extremis
Les six sauvetages déjà menés par l’« Aquarius » ont montré que l’état de santé des migrants qui ont séjourné en Libye était très mauvais avant le départ. Ainsi, « nous avons eu à faire face à quatre personnes blessées par balles à bord d’un des canots », racontait Mme Beau, lundi 2 mai. Pourtant, pour les 27 personnes présente à bord, le moment le plus tragique aura été le sauvetage in extremis de 108 personnes, rescapées dans un bateau où huit décès ont été constatés.
Si toute l’équipe a vécu avec douleur ce moment, ils sont aussi partagé le bonheur de toutes les vies sauvées. « Nous sommes des messagers. Nous souhaitons partager avec nos donateurs les expériences que nous avons vécues en mer » insiste M. Vallat. Car si l’ONG lève des fonds via Internet, elle souhaite aussi créer un mouvement autour de son initiative. Déjà, à Marseille, Paris, Rennes, des collectifs se créent pour soutenir le projet et rendre le citoyen acteur de ces sauvetages. Et SOS Méditerranée compte bien développer ce volet durant sa campagne qui commence.
« On a beaucoup de craintes pour l’été 2016. Des milliers de personnes attendent en Libye et on peut craindre un report des routes vers la Méditerranée centrale à la suite de l’accord entre l’UE et la Turquie », a ajouté la directrice de SOS, même si pour le moment cette menace ne s’est pas concrétisée.