La jeunesse tourne le dos à François Hollande
La jeunesse tourne le dos à François Hollande
Par Eric Nunès
Selon une étude IFOP, le chef de l’Etat a perdu le vote des 18-25 ans, pour qui Marine Le Pen est devenue incontournable. Chez les jeunes, elle obtiendrait entre 27 et 31 % au premier tour de la présidentielle.
Un homme porte une pancarte avec un portrait de François Hollande sur laquelle on peut lire "Honte". Le 28 avril à Lille. | PHILIPPE HUGUEN / AFP
Jamais la rupture entre François Hollande et la jeunesse n’a semblé si irréversible. A un an de la présidentielle, alors que les organisations de jeunesse sont mobilisées contre la loi travail, une étude de l’IFOP pour l’Association nationale des conseils d’enfants et de jeunes (Anacej), que Le Monde dévoile en avant-première, montre que les espoirs de conciliation entre l’exécutif et la génération des 18-25 ans sont proches de zéro.
Aujourd’hui, si seuls les jeunes votaient, le vainqueur de 2012 ne passerait pas le premier tour de la présidentielle, et ce quelle que soit l’offre politique, indique l’étude. Le président sortant est largement devancé par le candidat de la droite républicaine au premier tour de la présidentielle, mais pas seulement. Marine Le Pen devance tous les candidats de gauche avec entre 27 et 31 % d’intentions de vote. Un seul candidat parvient à faire jeu égal avec elle : le maire de Bordeaux Alain Juppé, avec 29 %.
Peu importe le candidat Les Républicains, l’actuel locataire de l’Elysée n’arriverait qu’en quatrième position, avec 13 % des intentions de vote, si son adversaire était Nicolas Sarkozy ou Alain Juppé, 15 % dans l’hypothèse d’une candidature de Bruno Le Maire. Auprès de la jeunesse, il n’existe aucun scénario de victoire pour François Hollande. Sur sa gauche, il est en outre dépassé par Jean-Luc Mélenchon (Parti de gauche), qui le devance au premier tour dans toutes les hypothèses avancées par l’institut de sondage, avec des projections de vote allant de 15 % à 19 %. « Le vote jeune de gauche a été capté par Jean-Luc Mélenchon », constate Frédéric Dabi, directeur général adjoint de l’IFOP.
Valls « hollandifié », Macron en alternative
Quatre années ont bien passé depuis ces mots, prononcés quand François Hollande était candidat à l’Elysée : « Est-ce que les jeunes vivront mieux en 2017 qu’en 2012 ? Je demande à être évalué sur ce seul engagement, sur cette seule vérité, sur cette seule promesse ! » Ce désaveu de la jeunesse vis-à-vis de l’exécutif en général, et du président en particulier, est encore plus cinglant quand on examine la troisième vague de l’enquête électorale entreprise par le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), en collaboration avec Le Monde et réalisée par Ipsos-Sopra Steria. Selon cette enquête, menée en mars, en pleine mobilisation contre la loi travail, les intentions de vote des jeunes culminent à 16 % pour l’actuel président de la République.
Et l’hypothèse d’une candidature du premier ministre n’y changerait rien, mesure de son côté l’étude. Manuel Valls s’est « hollandifié », « il a perdu sa singularité sur l’échiquier de l’offre politique. A gauche, c’est Emmanuel Macron qui aujourd’hui incarne le renouvellement », analyse Frédéric Dabi. Aux yeux des jeunes, François Hollande est disqualifié et Manuel Valls ne le remplace pas avantageusement.
Si le ministre de l’économie n’a pas été envisagé comme candidat potentiel à la présidentielle par l’IFOP, son nom a été soumis comme vecteur d’influence « sur la participation à l’élection ». Ce critère pris en compte, il arrive en tête des personnalités de gauche, avec 34 %, et deuxième, toutes couleurs politiques confondues, devancé de 2 points par la présidente du Front national, Marine Le Pen.
Par ailleurs, Emanuel Macron s’installe progressivement comme une personnalité incontournable de la prochaine campagne pour l’Elysée. « Il apparaît à gauche comme un élément de renouvellement, alors que toute une génération politique est cramée », mesure Mathieu Cahn, président de l’Anacej et adjoint (PS) au maire de Strasbourg.
Marine Le Pen en tête au premier tour
Que François Hollande tente un second mandat ou pas, que Nicolas Sarkozy gagne les primaires des Républicains ou pas, que Nicolas Hulot reprenne le chemin d’une campagne présidentielle ou pas… Il demeure une constante : selon ce sondage, Marine Le Pen arrive en tête à l’issue du premier tour dans toutes les hypothèses envisagées par l’étude.
La politique de dédiabolisation du Front national porte ses fruits auprès des jeunes. Ce constat, déjà fait lors des élections régionales de 2015, se confirme. « Pour de nombreux jeunes qui se sentent exclus, relégués, le vote FN peut paraître comme une solution. Chez eux, les idées du FN commencent à s’ancrer », souligne Mathieu Cahn. Mais, comme lors des élections régionales, la présence d’un candidat du Front national au second tour est un vecteur de mobilisation.
Et si Marine Le Pen obtiendrait des jeunes une qualification sans difficulté quels que soient ses adversaires, elle serait au final battue par tous les adversaires envisagés par l’IFOP, que ce soit Nicolas Sarkozy, Bruno Le Maire, Alain Juppé ou même François Hollande, qui obtiendrait 52 % des suffrages des jeunes, contre 48 à la députée européenne.
Le grand favori des jeunes, celui qu’ils plébiscitent avec plus de 65 % des intentions de vote au second tour, c’est l’actuel maire de Bordeaux. « Comme Jacques Chirac au crépuscule de son second mandat présidentiel, Alain Juppé bénéficie d’une prime au retraité », grince Mathieu Cahn. Plus détaché, Frédéric Dabi estime que le paysage politique français est « malade d’un problème d’offre ».
Méthodologie. Le sondage IFOP a été mené auprès d’un échantillon de 1 202 personnes représentatif de la population française âgée de 18 à 25 ans. La représentativité a été assurée par la méthode des quotas. Les entretiens ont été réalisés par questionnaire auto-administré en ligne du 12 au 21 avril. Le sondage Ipsos a été réalisé par Internet du 11 au 20 mars, auprès d’un échantillon de 20 319 personnes, dont 13 693 se disant certaines d’aller voter à la présidentielle de 2017, et 1 282 certaines d’aller voter à la primaire de la droite.