L’affaire des « Panama papers » en 7 chiffres
Evasion fiscale : l’affaire des « Panama papers » en 7 chiffres
Par Mathilde Damgé, Jérémie Baruch
Les données révélées par les « Panama papers » dévoilent un système nébuleux et complexe. Voici 7 chiffres pour comprendre l’ampleur de l’affaire.
Le bâtiment du cabinet Mossack Fonseca, à Panama. | RODRIGO ARANGUA / AFP
Décortiquer la base des « Panama papers » est un travail de longue haleine. Il faut comprendre les termes jargonneux, appréhender les mécanismes, trouver les rôles des différents acteurs et décisionnaires pour appréhender l’importance du système et sa logique.
Les « Panama papers » en trois points
- Le Monde et 108 autres rédactions dans 76 pays, coordonnées par le Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ), ont eu accès à une masse d’informations inédites qui jettent une lumière crue sur le monde opaque de la finance offshore et des paradis fiscaux.
- Les 11,5 millions de fichiers proviennent des archives du cabinet panaméen Mossack Fonseca, spécialiste de la domiciliation de sociétés offshore, entre 1977 et 2015. Il s’agit de la plus grosse fuite d’informations jamais exploitée par des médias.
- Les « Panama papers » révèlent qu’outre des milliers d’anonymes de nombreux chefs d’Etat, des milliardaires, des grands noms du sport, des célébrités ou des personnalités sous le coup de sanctions internationales ont recouru à des montages offshore pour dissimuler leurs actifs.
Si la base est aussi touffue, c’est avant tout parce que Mossack Fonseca est une entreprise florissante. Les centaines d’employés, les dizaines de milliers d’entreprises créées, les dizaines de filiales à l’international, les milliers d’interlocuteurs sont autant d’indices de l’imposante industrie que représente Mossack Fonseca, rouage fondamental des activités du secteur offshore.
C’est le nombre d’entreprises, trusts et fondations domiciliés par Mossack Fonseca entre 1977 et 2015 que l’on retrouve dans la base. Un chiffre encore inférieur par rapport au nombre total de sociétés incorporées dans des juridictions offshore par Mossack Fonseca. Quand une société est dissoute, la documentation n’est conservée que pendant les dix années suivant la dissolution.
Depuis 2000, Mossack Fonseca crée en moyenne 9 000 sociétés offshore par an. Mais 2005 est une année faste puisque plus de 13 000 sociétés ou fondations ont été créées cette année-là. C’est en effet l’année de l’entrée en vigueur de la directive européenne sur la fiscalité de l’épargne, qui met en place une taxe sur les intérêts bancaires, mais uniquement appliquée aux personnes physiques, contrairement aux personnes morales : il suffit de créer une société offshore pour y échapper.
En France, parmi les données où les bénéficiaires ou les actionnaires ne sont pas cachés derrière des prête-noms, on trouve près de 1 000 noms qui sont liés à une adresse en France dans les « Panama papers ». Joueur de poker, boucher ou chanteur lyrique, les bénéficiaires de sociétés offshore ne sont pas tous riches et ils n’ont pas tous l’intention de frauder. Mais les témoignages que Le Monde a collectés montrent que la volonté d’échapper à l’impôt (sur la fortune, sur les revenus ou sur les successions) reste une des motivations principales, à l’heure où le secret bancaire suisse est en état de mort clinique.
On trouve aussi 25 entreprises, pour la plupart actives dans la finance (la gestion de fonds notamment), le conseil et l’immobilier… Parmi elles, il y a aussi de grandes entreprises du pétrole, de la communication...
Il y a dans la base des « Panama papers » 511 banques (dont les branches et les filiales) qui sont en rapport direct avec Mossack Fonseca ; pour certaines, ce lien remonte aux années 1970. Parmi elles, on retrouve évidemment de nombreuses banques ayant pignon sur rue (UBS, HSBC, Société générale, Deutsche Bank, etc.) ainsi que des banques plus confidentielles mais tout aussi puissantes. Plus de 15 000 structures offshore ont ainsi émergé par l’intermédiaire de ces banques, à destination de leur riche clientèle.
Mossack Fonseca est une entreprise internationale. Plus de deux cents Etats et territoires sont présents dans la base des « Panama papers » : pays des ayants droit, pays de domiciliation, pays où se trouvent les comptes bancaires ou encore pays des intermédiaires fiscalistes. Néanmoins, certains sont évidemment plus présents que d’autres. Parmi eux, les îles Vierges britanniques, territoire de prédilection pour la domiciliation d’entreprises, le Panama, paradis fiscal et siège de Mossack Fonseca, la Suisse et le Luxembourg, importants centres financiers.
C’est le nombre de bureaux de Mossack Fonseca actifs de par le monde. Outre le siège à Panama, la capitale panaméenne, la présence de la firme s’étend à la plupart des paradis fiscaux et centre financiers de la planète : Hongkong, l’île de Man, la Suisse, le Luxembourg, les îles Vierges britanniques, Bahamas ou encore les Seychelles. Mais le puissant cabinet a aussi des franchises dans de nombreux autres pays, comme le Canada, le Brésil ou Dubaï.
Infographie/Le Monde
Si la base de données des « Panama papers » comporte de nombreux anonymes, elle contient aussi quelques hommes et femmes de pouvoir, à la tête de leurs pays respectifs en tant que chef d’Etat ou de gouvernement. Cinq sont encore en exercice, comme le premier ministre islandais, le roi d’Arabie saoudite ou le président ukrainien.
En plus de ces individus directement nommés, les « Panama papers » révèlent que la famille directe ou les plus proches associés de nombreux dirigeants ont aussi utilisé des montages offshore. Ainsi, un bon nombre d’oligarques faisant partie du premier cercle de Vladimir Poutine, le secrétaire particulier du roi du Maroc ou encore la fille de l’ancien premier ministre chinois Li Peng.
Et c’est compter sans les différents politiques et autres hauts fonctionnaires, comme l’ancien ministre français du budget Jérôme Cahuzac ou le ministre algérien de l’industrie et des mines, Abdeslam Bouchouareb. En tout, 143 responsables politiques issus de 50 pays différents.