L’autorité de Nicolas Sarkozy contestée au conseil national des Républicains
L’autorité de Nicolas Sarkozy contestée au conseil national des Républicains
Par Alexandre Lemarié
Lors de sa première journée, le conseil national a mis en lumière les rivalités internes du parti dans l’optique de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017.
Nicolas Sarkozy au conseil national des Républicains à Paris, le 13 février 2016. | ALAIN GUILHOT/DIVERGENCE POUR "LE MONDE"
Ce devait être une journée de débats sur la ligne politique du parti. Ce fut en réalité une litanie de prises de parole de la part des responsables de droite, qui ne s’écoutaient pas forcément entre eux. Ce qui a eu le don d’irriter Nicolas Sarkozy : « Un parti, ce n’est pas une succession de discours qu’on fait et après, on n’entend pas ce que vous dites ! », a-t-il tonné samedi, en milieu de journée. Le conseil national des Républicains (LR), qui a lieu samedi 13 et dimanche 14 février à Paris, a mis en lumière les rivalités internes dans l’optique de la primaire à droite pour la présidentielle de 2017. Confronté à de mauvais sondages, Nicolas Sarkozy a tenté de reprendre la main à travers cette journée. Mais ses rivaux lui ont tenu tête et contesté ouvertement son autorité.
Dans la matinée, le président des Républicains a annoncé qu’il présenterait dimanche « un texte » sur les orientations du parti pour 2017 qui l’« engagera[it] » et serait « soumis au vote des adhérents en avril ». A neuf mois de la primaire, M. Sarkozy a aussi réaffirmé sa volonté de présenter un « projet collectif » du parti pour 2017, sans attendre que ses concurrents « daignent nous proposer leurs idées ». L’objectif de M. Sarkozy : contraindre ses rivaux à suivre le projet et la ligne à droite toute qu’il aura lui-même édictés en s’appuyant sur la légitimité militante. Et dans le cas contraire, les faire apparaître en décalage avec les aspirations du noyau dur du parti.
Suivez en direct le discours de Nicolas Sarkozy :
Sauf que ses concurrents ne se sentent pas tenus pas les initiatives du président des Républicains. Largement en tête des sondages, le principal rival de M. Sarkozy, Alain Juppé, juge que le projet sera d’abord celui du candidat choisi à la primaire. Idem pour Nathalie Kosciusko-Morizet, qui devrait présenter sa candidature à la primaire début mars. « Le projet sera tranché lors du vote de la primaire. Le texte [de Nicolas Sarkozy] ne verrouille rien », estime l’ancienne numéro deux du parti. « C’est une bonne chose que le parti travaille et propose, mais ça n’engage en aucun cas les candidats à la primaire », a abondé Bruno le Maire, futur candidat.
Autre tentative de corseter ses rivaux : M. Sarkozy a annoncé sa volonté d’attribuer les investitures pour les législatives, en juin, soit avant la primaire. Sauf que, là encore, Alain Juppé, François Fillon et Bruno Le Maire ne veulent pas en entendre parler. Suspectant M. Sarkozy de vouloir s’en servir pour dissuader des députés de soutenir un de ses concurrents, ils estiment que ce sera au vainqueur de la primaire de décerner les investitures.
Kosciusko-Morizet : « Il n’y a pas d’homme providentiel »
La contestation interne de M. Sarkozy ne s’est pas arrêtée là. Si MM. Juppé et Le Maire sont venus au conseil national ce samedi, ils n’ont pas pris la parole et ne viendront pas écouter l’allocution de leur président de parti dimanche. M. Fillon non plus. Mais à la différence de ses rivaux, le député de Paris a prononcé un discours à la tribune.
Comme plusieurs autres figures du mouvement, il s’est permis de lancer une pique à l’ex-président de la République. « C’est une bonne chose de débattre de la ligne politique, sous réserve de ne pas oublier qu’une ligne politique est le résultat d’un projet pour la France et pas une synthèse hollandienne », a assené l’ex-premier ministre. Plus directe, NKM a lancé à la tribune : « Il n’y a pas d’homme providentiel. »
Nadine Morano y est allée aussi de sa pique, en reprochant à M. Sarkozy d’avoir « eu tort de supprimer le ministère de l’immigration ». De son côté, Hervé Mariton a lancé à M. Sarkozy, en parlant du mariage pour tous : « Je veux l’abroger parce que je vais tenir la promesse que tu avais faite. » Plus étonnant, l’ex-conseiller du président de LR, Henri Guaino, s’est opposé à l’idée de M. Sarkozy d’interdire les menus de substitution dans les cantines scolaires : « Ma famille politique, c’est celle qui trouve honteux qu’on ne propose pas un repas de substitution aux enfants dans les cantines. »
Seul motif de consolation pour le président de LR : son candidat pour prendre la présidence du conseil national, le parlement du parti, l’a emporté. Luc Chatel s’est imposé face à Michèle Alliot-Marie avec près de 55,3 % des suffrages, contre 44,7 % à sa concurrente.
L’issue du vote est un soulagement pour M. Sarkozy, qui redoutait que son candidat soit battu par l’ancienne présidente du Rassemblement pour la République (RPR). Plusieurs élus de droite y ont cependant vu un signe de la perte d’autorité de M. Sarkozy sur ses troupes. « Chatel aurait dû faire au moins deux tiers des voix ou les trois quarts. La volonté d’indépendance de Michèle Alliot-Marie a plu. Cela montre que Nicolas Sarkozy ne tient pas vraiment le parti », en conclut le député de la Manche Philippe Gosselin, proche d’Hervé Mariton. Un sentiment partagé par plusieurs élus LR, qui citent aussi le camouflet infligé à l’ancien président sur l’extension de la déchéance de nationalité, rejetée par 74 députés LR.
Même constat chez les juppéistes. « Ce parti est devenu une coquille vide en voie de calcification où les gens font semblant de s’écouter, où il n’y a même pas la moitié des conseillers nationaux qui votent », déplore Edouard Philippe, proche du maire de Bordeaux, en référence à l’élection Chatel - Alliot-Marie, où seuls 980 des conseillers nationaux ont voté sur près de 2 000 au total. Pour le maire du Havre, tenir l’appareil ne confère pas un avantage décisif au président de LR, alors que près de 3 millions de personnes pourraient voter à la primaire de la droite et du centre, en novembre. « Je ne comprends pas comment Sarkozy a pu commettre l’erreur de revenir par le parti alors que la primaire change tout. »