Les affaires de dopage toquent à la porte du football
Les affaires de dopage toquent à la porte du football
Par Clément Guillou
Avant le contrôle positif de Mamadou Sakho, plusieurs éléments cette saison avaient rappelé au monde du football qu’il n’était pas à l’abri des problèmes de dopage.
Football Soccer - Liverpool v Borussia Dortmund - UEFA Europa League Quarter Final Second Leg - Anfield, Liverpool, England - 14/4/16Liverpool's Mamadou Sakho and Manager Juergen Klopp celebrate after winning the matchReuters / Darren Staples/FilesLivepicEDITORIAL USE ONLY. | STAFF / REUTERS
Jürgen Klopp est un formidable entraîneur, l’un de ceux qui donnent encore envie d’aimer le football. Mais il lui arrive de se tromper. « Je le dis avec conviction, il n’y a pas de dopage dans le football », disait-il en 2009 au journal allemand Die Zeit, alors qu’il entraînait le Borussia Dortmund. Ces propos lui reviennent comme un boomerang, alors que l’un de ses joueurs majeurs à Liverpool, le Français Mamadou Sakho, vient de subir un contrôle antidopage positif.
Mamadou Sakho plaidera la négligence, affirmant qu’il n’a pas cherché à améliorer ses performances mais à perdre du poids. Il a peut-être raison. Tant d’autres ont été victimes avant lui de la complexité de la liste des produits interdits.
Il n’en reste pas moins que le dopage est un sujet de plus en plus prégnant dans un sport qui continue de se croire épargné. Sakho est le deuxième joueur de haut niveau contrôlé positif cette saison, après le milieu de terrain macédonien du Dinamo Zagreb, Arijan Ademi, chez qui l’UEFA avait trouvé des traces de stéroïde anabolisant à l’issue d’un match de Ligue des Champions.
Deux contrôles positifs en une saison, alors que plus d’un match européen sur deux s’achève sans contrôle antidopage et que l’UEFA se concentre sur les contrôles en compétiton, a priori les plus inoffensifs : la pêche n’est pas si mauvaise, comparée à l’incurie de la lutte antidopage à l’échelon mondial. Surtout pour un sport où le dopage « n’existe pas ». Le dispositif de l’UEFA doit être complété par celui de la FIFA, totalement inefficace, et des agences nationales antidopage qui font rarement du football une priorité.
Une préférence pour les stéroïdes
Pour juger de la prévalence du dopage dans le football, mieux vaut se fier aux études scientifiques qu’aux contrôles. Comme celle commandée par l’UEFA, portant sur 4 000 échantillons urinaires prélevés en coupe d’Europe et lors des Euro de football entre 2008 et 2013, et révélée par le Sunday Times et la chaîne allemande ARD l’automne dernier. Sur les 879 joueurs dont les échantillons étaient contrôlés, 7,7 % enregistraient des taux élevés de testostérone pouvant résulter de la prise de stéroïdes anabolisants.
En 2009, l’Agence française de lutte contre le dopage avait eu la surprise de découvrir, lors d’une étude sur l’utilisation de la DHEA (un stéroïde anabolisant) dans le sport, que les footballeurs en étaient les plus friands (7 cas sur 32), même si les résultats n’avaient aucune valeur statistique.
Dans le football, les agents de la lutte antidopage contrôlent les yeux bandés, faute d’informations leur remontant du terrain. Les chances d’attraper des tricheurs au contrôle sont donc très minces, même si cela arrive, comme le prouvent ces deux cas.
« Prouver le dopage dans le football, c’est le défi ultime, disait l’an dernier au Monde le directeur des contrôles de l’Agence française de lutte contre le dopage (AFLD), Damien Ressiot. Non pas que je souhaite du mal au football : c’est juste une volonté pédagogique. il faut montrer que le dopage existe partout, car aucun argument recevable ne peut me pousser à penser le contraire. »
Avant de s’interroger : « Il y des joueurs partout, des entraîneurs, des agents, des conflits entre ces personnes, le calendrier fourni, le rythme très élevé des matchs : tout est là pour qu’un truc sorte. Et pourtant rien ne sort. Soit l’omerta est très bien organisée, soit c’est bien moins prégnant que ce que je crois. »
Les clients mystères du docteur Fuentes
Ces dernières années, les éléments accréditant l’utilisation de produits dopants dans le football sont venus d’enquêtes ayant pour point de départ un cycliste.
Dans les prochaines semaines, la justice espagnole doit se prononcer sur le sort des poches de sang saisies il y a dix ans au cabinet du docteur Eufemiano Fuentes, au centre de l’affaire Puerto. Il y a trois ans, à l’issue d’un procès bâclé, l’Agence mondiale antidopage a réclamé ces poches de sang, toujours conservées à Barcelone, afin de tenter d’identifier d’autres clients que les cyclistes déjà condamnés. Le docteur Fuentes revendiquait en effet s’être également occupé de footballeurs, de joueurs de tennis ou d’athlètes.
La justice espagnole n’a jamais cherché à vérifier ses dires, pas plus que ceux d’un ancien président de la Real Sociedad, qui accusait son prédécesseur d’avoir utilisé les services et produits du médecin entre 2001 et 2005. Les enquêteurs n’avaient pas non plus perquisitionné l’appartement utilisé par Fuentes aux Canaries, dans lequel étaient consignés des documents liant, comme l’avait révélé Le Monde, le FC Barcelone et le Real Madrid au praticien.
La Premier League touchée ?
En Angleterre cette fois, un cycliste amateur contrôlé positif a mis en cause son fournisseur, le docteur Mark Bonar auprès de l’Agence britannique de lutte contre le dopage, puis alerté des journalistes du Sunday Times et de l’ARD. Interrogé en caméra cachée par un faux patient, Mark Bonar a affirmé avoir dopé des footballeurs de grands clubs anglais : Arsenal, Chelsea ou Leicester City.
Le docteur Mark Bonar a affirmé, en caméra cachée, avoir dopé des footballeurs de Premier League. | DARREN STAPLES / REUTERS
Des affirmations confirmées par Rob Brinded, ancien préparateur physique de Chelsea, qui ajoute en caméra cachée : « Le médecin d’un club (de Premier League) m’a dit il y a quelques années que tous les joueurs prenaient des stéroïdes anabolisants pour une meilleure récupération. » Les trois clubs cités ont balayé ces propos d’un revers de la main.
La veille, Chelsea avait annoncé la nomination au poste d’entraîneur de l’Italien Antonio Conte. Le milieu de terrain italien avait, de façon « quasi-certaine », pris de l’EPO ou bénéficié de transfusions sanguines lorsqu’il jouait à la Juventus Turin, comme l’a affirmé lors du procès pour dopage de la Juve l’expert Giuseppe d’Onofrio.
D’autres joueurs que Conte affichaient des paramètres sanguins anormaux. L’hématocrite – proportion de globules rouges dans le sang – d’un autre milieu de terrain faisait carrément les montagnes russes. Il s’agissait de Didier Deschamps, celui qui risque de devoir se passer de Mamadou Sakho à l’Euro 2016.