Les femmes commencent à faire leur place dans les conseils d’administration
Les femmes commencent à faire leur place dans les conseils d’administration
Par Elodie Chermann, Gaëlle Picut
Des écarts persistent toutefois en termes de leadership et de rémunération, selon une étude du réseau européen de femmes EWoB, publiée mercredi.
Isabelle Kocher s'apprête à succéder à Gerard Mestrallet à la tête d'Engie. Elle sera alors la seule femme à diriger une entreprise du Cac 40. | GONZALO FUENTES / REUTERS
Entre 2011 et 2015, la part des femmes dans les conseils d’administration des entreprises européennes a quasiment doublé pour passer de 13,9% à 25% en moyenne. C’est ce que révèle une enquête réalisée par le réseau européen de femmes EWoB (European Women on Boards) auprès de 600 entreprises (celles prises en compte dans l’indice boursier STOXX 600) de 12 pays et publiée ce mercredi 27 avril 2016 .
D'après une étude du réseau européen de femmes EWoB, la part des femmes dans les conseils d’administration des entreprises européennes a quasiment doublé entre 2011 et 2015, pour passer de 13,9% à 25% en moyenne.
Leur présence dans les comités, lieux stratégiques de l’élaboration des décisions, a également progressé : 28,7% dans les comités d’audit (15% en 2011), 26% dans les comités de rémunération (12,7%) et 22,6% dans les comités de nomination (10,7%). En revanche, les femmes européennes demeurent peu nombreuses dans les positions de leadership : elles ne sont que 24 (soit 4%) à présider un conseil contre 11 en 2011 (2%), elles n’occupent la présidence que de 16% des comités d’audit, 22,3% des comités de rémunération, 8,8% des comités de nomination. De même, les entreprises européennes ne comptent que 21 PDG féminins (3,5%), en très faible progression par rapport à 2011 avec 17 (3%).
De fortes disparités selon les secteurs et les pays
Les femmes sont globalement mieux loties dans les télécommunications (27,1%), suivi par la finance, les utilities (services aux collectivités), les biens de première nécessité (26%) et les biens de consommation (25,6%). Les secteurs des matériaux (23,3%), de la santé (23,4%) et de l’énergie (22,4%) occupent quant à eux les dernières places. On constate également de fortes disparités selon les pays : ainsi, la Suisse (16,1%) et l’Espagne restent largement en retrait comparées à la Norvège, la Suède, la France et la Finlande qui ont dépassé le seuil des 30%. Le fruit notamment de l’adoption de quotas contraignants.
Pour rappel, six pays parmi les douze étudiés ont des quotas législatifs qui imposent un pourcentage de femmes compris entre 30% et 40% (Belgique, France, Allemagne, Italie, Pays-Bas et Norvège), tandis que les autres ont une approche « soft law » avec des recommandations, des objectifs fixés sur une base volontaire et de l’autorégulation. « Poursuivre cette progression vers une convergence équilibrée est essentielle pour l’Europe : une meilleure représentation des femmes dans les conseils stimule l’innovation et la compétitivité, et contribuera à atteindre l’objectif fixé par l’Union européenne d’une croissance plus durable et inclusive à l’horizon 2020. On suivra donc avec attention les initiatives dans ce domaine dont le projet de Directive quota de 40%, qui, après un vote en première lecture au Parlement européen, n’a pas encore trouvé consensus au Conseil », souligne Marie-Ange Andrieux, co-présidente de l’Association des femmes diplômées d’expertise comptable administrateurs (Afeca) et d’EWoB.
La France se positionne à la 5e place sur 12 en matière de diversité des genres dans la gouvernance des entreprises.
La France en bonne position mais en retrait sur certains critères
La France se positionne à la 5e place sur 12 en matière de diversité des genres dans la gouvernance des entreprises. Ce classement résulte essentiellement de la forte présence des femmes (34,4%) dans les conseils des grandes entreprises (81 françaises en 2015 dans l’index STOXX 600), ainsi que dans les comités d’audit (38,9%), de rémunération (32,4%) et de nomination (31%). La donne change toutefois si l’on prend en compte des critères plus qualitatifs. La France est en effet l’un des seuls pays où les femmes sont totalement absentes de certains conseils d’administration.
Elles sont aussi davantage écartées des positions de leadership que la moyenne européenne, puisqu’elles ne représentent que 2,5% des présidents de conseil (10e avec deux femmes présidentes) et 1,2% des PDG (8e avec une femme PDG). « Les entreprises doivent favoriser le rééquilibrage de la présence des femmes dans le management et les positions exécutives notamment par une démarche de valorisation du capital humain mais également savoir faire appel aux réseaux externes riches de talents», estime Marie-Ange Andrieux. « Enfin, il est important d’intégrer les entreprises de taille plus petite et moyenne dans cette dynamique d’une gouvernance efficiente. »
Des atouts non négligeables
Les organisations ont tout à gagner. Les administratrices européennes sont proportionnellement plus indépendantes que leurs homologues masculins : elles représentent 33,6% des administrateurs indépendants non exécutifs contre 25% de l’ensemble des administrateurs. Elles sont aussi légèrement plus jeunes que les administrateurs (54,4 ans contre 58,6) et ont une moindre ancienneté à leur poste : 3,7 ans contre 6,4 pour les hommes. Si elles cumulent légèrement plus les mandats (26,9% ont entre 2 et 4 mandats contre 20,5% des administrateurs), cela n’affecte pas leur taux de présence : 98,9% assistent à plus de 75% des réunions du conseil contre 98,4% pour leurs homologues masculins.
Toujours de forts écarts de salaire
Elles n’en sont pas toujours récompensées pour autant. D’après une étude Eurostat de 2013, le salaire horaire des femmes européennes est inférieur de 16,3% en moyenne à celui des hommes. Ces disparités sont encore plus importantes dans la gouvernance des entreprises : la rémunération moyenne des administrateurs non exécutifs s’élève à 88,8 K€ pour les hommes, contre 76,1 K€ pour les femmes, soit un écart de 17%, contre 31% pour les PDG (2,55 millions d’euros pour les hommes, 1,95 million pour les femmes). Un axe de progrès important pour les années à venir.