« Les négociations sur le TTIP sont bien transparentes ! »
« Les négociations sur le TTIP sont bien transparentes ! »
Cecilia Malmström, commissaire européenne pour le commerce répond aux parlementaires français qui rappelaient dans une tribune publiée dans Le Monde que les Parlements nationaux doivent avoir le dernier mot à propos du traité commercial transatlantique
Par Cecilia Malmström
Comme toute initiative d’envergure, le Partenariat transatlantique pour le commerce et l’investissement (TTIP) suscite autant d’inquiétudes que d’espoirs, donnant lieu à un débat animé sur ses finalités et sur ses modalités. Une chose est sûre : le rôle des Parlements nationaux dans le contrôle démocratique des négociations sera essentiel, comme vient de le rappeler la tribune publiée par soixante parlementaires dans Le Monde.
Cette tribune témoigne de l’engagement des membres du Parlement à exercer pleinement leur rôle d’élus dans le contrôle démocratique des négociations engagées depuis maintenant plus de deux ans avec les Etats-Unis. Ce qui n’a rien d’étonnant : ces négociations sont importantes pour l’Europe, mais elles le sont aussi pour la France, qui est un acteur clé de la relation transatlantique et qui a toujours porté un message de régulation de la mondialisation dans lequel ces négociations s’inscrivent pleinement.
Ces parlementaires posent des conditions à la réussite des négociations que je partage pleinement : la transparence à tous les niveaux, la réciprocité entre les parties, l’intransigeance sur les normes sociales et environnementales, qui ne peuvent être modifiées que vers le mieux-disant, le respect de nos lignes rouges et le refus de tout tribunal d’arbitrage privé au profit d’une véritable justice internationale en matière d’investissement.
La Commission ne cédera rien sur la défense du modèle agricole et alimentaire européen. Bœuf aux hormones ou poulet chloré resteront aux Etats-Unis. L’enjeu des négociations est au contraire de promouvoir notre modèle agricole, d’obtenir la reconnaissance des appellations contrôlées et de soutenir nos exportations à haute valeur ajoutée de produits laitiers, de vins et spiritueux ou encore de produits alimentaires transformés. Nous devons impérativement obtenir plus d’ouverture et de réciprocité dans les marchés publics et dans les services. Ce sont autant d’intérêts primordiaux pour la France et ses 22 000 entreprises qui exportent outre-Atlantique. Ils devront se retrouver dans l’accord final.
La même exigence doit s’imposer dans la manière de conduire les négociations : la transparence est un droit, ce qui signifie que, pour les administrations, elle est un devoir. Je viens d’un pays où les administrations publiques sont soumises à un devoir de transparence depuis plus de 300 ans. Depuis mon arrivée en charge du commerce, j’ai mis la transparence au cœur de mon action.
Tous les textes que la Commission met sur la table des négociations dans tous les domaines qui font l’objet de débats sont désormais publics. La Commission vient encore de publier sur son site internet huit nouveaux textes juridiques qu’elle a mis sur la table des négociations, assortis de tous les documents explicatifs nécessaires, traduits en français.
Le compte rendu de la 12e session de négociations, qui a eu lieu fin février à Bruxelles, est tout aussi public. Chacun – simple citoyen comme parlementaire - peut librement accéder à ces documents ainsi qu’à des dizaines d’autres sur le site internet de la Commission et se faire une idée précise tant des objectifs des négociations que du contenu exact de ce que la Commission engage dans leur contexte. Il n’y a pas aujourd’hui dans le monde de négociations de ce type plus transparentes que celles-ci.
Certains documents doivent rester confidentiels, soit qu’il s’agisse de commentaires tactiques dont la publication nuirait directement aux positions de négociation des Européens, soit qu’ils intègrent les textes américains, qu’il ne nous appartient pas de rendre public. L’important est que ces éléments soient accessibles à tous les parlementaires, aussi bien européens que nationaux, et qu’ils puissent exercer leur contrôle démocratique en toute connaissance de cause. Cela n’a pas toujours été le cas dans le passé mais ça l’est désormais. La Commission a obtenu que des salles de lecture soient mises en place dans toutes les capitales européennes, dans les administrations nationales, où les gouvernements nationaux peuvent mettre tous les textes consolidés Europe-Etats Unis à la disposition des parlementaires nationaux. Les choses ont changé. Je me suis engagée personnellement pour que ce soit le cas.
Reste la question centrale du rôle des Parlements nationaux dans la ratification de l’accord. Soyons clairs : c’est la Commission qui négocie mais ce n’est pas elle qui décide. Une fois conclu, l’accord devra être approuvé à l’unanimité par le Conseil des ministres des 28 Etats membres ; puis à la majorité par le Parlement européen, et enfin, si l’accord est aussi ambitieux que nous le souhaitons, par les Parlements des 28 Etats membres. L’Assemblée nationale comme le Sénat devraient donc, en toute logique, être amenés à se prononcer sur ce texte. C’est d’ailleurs aussi la raison pour laquelle j’accorde la plus grande attention aux positions des parlementaires français, que j’ai rencontré personnellement les commissions des affaires européennes de l’Assemblée et du Sénat et que le directeur général de mes services était encore cette semaine à l’Assemblée et au Sénat pour informer les parlementaires en détail sur l’état d’avancement des négociations. Nous mènerons ces négociations ensemble ou nous ne les mènerons pas.
J’en finirai en m’adressant directement aux Parlementaires qui ont choisi Le Monde pour exprimer leur intérêt. Vous avez affirmé votre volonté d’être impliqués de plein droit dans ces négociations. J’y réponds par une volonté sans faille de coopérer étroitement avec vous, aujourd’hui et jusqu’à ce que nous obtenions un accord qui, comme l’a dit le président de la Commission Jean-Claude Juncker, devra être raisonnable, équilibré et mutuellement bénéfique.
Je souhaite que cette coopération s’étende au-delà du TTIP à la vingtaine d’accords que la Commission négocie aujourd’hui sur le commerce et l’investissement et qui ne font pas l’objet d’assez d’attention dans le débat public. L’importance du TTIP est indiscutable mais ce n’est pas une relation exclusive et la politique commerciale menée par l’Union est bien plus vaste. C’est une condition essentielle si l’on veut que le commerce contribue à la hauteur de tout son potentiel à la stratégie de croissance, d’investissement et de création d’emploi de l’UE.