Salah Abdeslam a été arrêté le 18 mars à Molenbeek, une commune bruxelloise. | JOHN THYS / AFP

Arrêté vendredi 18 mars à Molenbeek, dans la région de Bruxelles, Salah Abdeslam est désormais dans l’attente de son transfèrement en France. Tour d’horizon des questions soulevées par son arrestation.

Quand Salah Abdeslam sera-t-il être transféré de la Belgique vers la France ?

« Il y a une forte attente de la justice française et des victimes d’obtenir que Salah Abdeslam  vienne s’expliquer » en France a souligné, lundi 21 mars, le procureur de Paris, François Molins, au cours d’une conférence de presse conjointe avec le procureur féréral belge, Frédéric Van Leeuw.

Salah Abdeslam, actuellement emprisonnné à Bruges, est en effet sous le coup d’un mandat d’arrêt européen à la demande de la justice française. Ce qui signifie qu’il ne sera pas extradé au sens propre du terme, mais transféré en respectant cette procédure strictement judiciaire.

En attendant, il a été inculpé par la justice belge de « participation à des assassinats terroristes » et de « participation aux activités d’un groupe terroriste ». Il passera, mercredi, devant la Chambre du conseil, une juridiction d’instruction belge, qui devrait décider de son maintien en détention.

La bataille juridique autour du transfèrement de l’ homme de 26 ans a, en tout cas, bel et bien commencé. La procédure doit déboucher sur une décision définitive dans un délai de soixante jours à compter de son arrestation ou de quatre-vingt-dix jours si un recours est déposé, ce qui devrait être le cas puisque son avocat, Sven Mary, a déjà prévenu que son client contesterait son transfèrement vers la France. Mais ce refus n’empêchera pas le déplacement d’Abdeslam, car la justice belge devra uniquement statuer sur la validité du mandat d’arrêt de la justice française.

Dimanche, Me Mary a par ailleurs déclaré son intention de déposer plainte contre le procureur de Paris, François Molins, pour « violation du secret de l’instruction », après que le magistrat eut cité en conférence de presse des déclarations faites par son client pendant son audition — une plainte qui a toutefois peu de chance d’aboutir, les codes de procédure pénale français et belge offrant des dérogations au secret de l’instruction.

Que se passera-t-il quand il arrivera en France ?

Salah Abdeslam devrait être présenté aux juges du pôle antiterroriste de Paris qui instruisent le dossier des attentats du 13 novembre et qui lui signifieront les charges qui pèsent sur lui. Après des mois d’instruction de ces magistrats spécialisés, il sera très probablement jugé par une cour d’assises spéciale, c’est-à-dire uniquement composée de magistrats, sans jurés. Il risque la réclusion criminelle à perpétuité.

L’arrestation de Salah Abdeslam, seul membre des commandos du 13 novembre encore en vie, éloigne le spectre d’un procès où ne comparaîtraient que des seconds couteaux. A ce stade, deux hommes ont été mis en examen à Paris, dont Jawad Bendaoud, soupçonnés d’avoir aidé à fournir la planque où a été tué Abdelhamid Abaaoud, organisateur présumé des attaques.

Quel a été son rôle dans les attentats du 13 novembre ?

« Il y était. » L’avocat de Salah Abdselam a confirmé que son client était bien présent à Paris le 13 novembre lors des attentats.

Selon le procureur de la République de Paris, Salah Abdeslam a affirmé aux policiers belges qu’il voulait se « faire exploser au Stade de France » le soir du 13 novembre, mais qu’il aurait fait « machine arrière ». D’après le magistrat,

« (le suspect) apparaît, à ce stade des investigations, comme ayant eu un rôle central dans la constitution des commandos du 13 novembre, dans la préparation logistique des attentats et, enfin, en étant lui-même présent à Paris le 13 novembre. »

Son rôle exact lors des attentats reste cependant flou. Il a loué plusieurs voitures, utilisées lors de la préparation et de la commission des attentats, et avait réservé des chambres d’hôtel en région parisienne pour les membres des commandos. Il a probablement convoyé, le soir des tueries, les kamikazes du Stade de France, avant de rentrer à Paris, dans le 18arrondissement. Il est soupçonné d’avoir préparé une autre attaque, qui n’a finalement pas eu lieu, dans ce quartier.

Par ailleurs, selon le ministre des affaires étrangères belge, Didier Reynders, Abdeslam « était prêt à refaire quelque chose à Bruxelles » :

« Nous avons trouvé beaucoup d’armes, des armes lourdes, au cours des premières investigations, et nous avons trouvé un nouveau réseau autour de lui à Bruxelles. »

Comment a-t-il pu vivre en cavale quatre mois en Belgique ?

C’est l’une des principales questions qui se posent. Après avoir fui Paris et rejoint la Belgique, Salah Abdeslam avait disparu, malgré d’intenses recherches de tous les services de police européens.

A ce stade de l’enquête, rien n’indique qu’il ait passé la totalité de ces quatre mois à Bruxelles et dans ses environs, mais il apparaît de plus en plus probable qu’il n’avait pas quitté la Belgique.

Des voix s’élèvent pour souligner la faillite du renseignement belge dans la traque de l’homme le plus recherché d’Europe. « Soit Salah Abdeslam était très malin, soit les services belges étaient nuls, ce qui est plus vraisemblable », s’est ainsi emporté le député français des Républicains, ancien magistrat antiterroriste, Alain Marsaud.

« Tout ce dossier était un énorme puzzle dont il a fallu mettre patiemment les pièces » en ordre, s’est défendu le procureur fédéral belge, Frédéric Van Leeuw, samedi sur la chaîne RTBF, évoquant une enquête « compliquée par la pression extérieure, d’abord au niveau politique français ».

De quelles complicités a-t-il bénéficié ?

Pendant ses quatre mois de cavale, Salah Abdeslam a forcément reçu du soutien pour être logé et caché. « Nous avons pas mal de pièces du puzzle et ces derniers temps plusieurs pièces ont trouvé leur place mais je suis encore loin, et nous sommes encore loin, d’avoir terminé le puzzle », a répété lundi le procureur féréral belge.

Abid Aberkan, l’un des proches et logeur présumé de Salah Abdeslam, a été inculpé samedi de « participation aux activités d’un groupe terroriste et recel de criminels » et placé en détention. Un autre complice, « le soi-disant Monir Ahmed Alaaj, alias Amine Choukri », arrêté en même temps que lui vendredi à Bruxelles, a été inculpé, comme Salah Abdeslam, de « meurtres terroristes et participation aux activités d’un groupe terroriste », et a également été placé en détention.

Une autre membre de la famille Aberkan, Djemila M., est elle aussi inculpée mais n’a « pas été privée de sa liberté », ajoute le parquet.

La police belge est toujours à la recherche de quatre individus dans le cadre des enquêtes sur les attentats de novembre. Parmi eux, Najim Laachraoui, 24 ans, a été identifié lundi (il apparaissait jusqu’alors sous la fausse identité de Soufiane Kayal). Il est soupçonné d’avoir participé à l’organisation, en Belgique, des attentats.

Comment a-t-il été retrouvé ?

C’est une opération de police, mardi 15 mars, dans un appartement à Forest, dans la région de Bruxelles, qui a tout déclenché. Cette perquisition s’est soldée par la mort de Mohamed Belkaid (qui était « plus que vraisemblablement » un acteur central des attaques à Paris, sous l’identité d’emprunt de Samir Bouzid) et la fuite de deux hommes après une fusillade. Mais les enquêteurs ont découvert, deux jours plus tard, une empreinte digitale sur un verre qui confirmera que Salah Abdeslam était dans cet appartement.

Un appel téléphonique, quelques heures après cette opération ratée, a aussi mis les policiers belges sur la trace du fugitif. Une connaissance de Salah Abdeslam leur a appris que ce dernier lui avait demandé de l’aider à trouver une planque. En remontant le numéro qui avait appelé le témoin, puis sur ses contacts, les enquêteurs belges sont parvenus à localiser le terroriste dans un appartement de Molenbeek.

Selon des sources proches de l’enquête, les policiers qui surveillaient les lieux ont eu la certitude qu’il s’y était réfugié avec des complices quand une femme qui vivait là a commandé inhabituellement cinq pizzas.