Lors d’un colloque, Hollande défend son bilan et l’héritage de la gauche
Lors d’un colloque, Hollande défend son bilan et l’héritage de la gauche
Par David Revault d'Allonnes
Le président a conclu un colloque organisé par la Fondation Jean-Jaurès et Terra Nova, mardi à Paris, loin de tout mea culpa ou droit d’inventaire.
François Hollande, à l’Elysée, le 4 mars. | Jean-Claude Coutausse / French-politics pour "Le Monde"
La gauche et le pouvoir. Inépuisable objet de réflexion historique, qui a constitué le sujet du colloque organisé mardi 3 mai à Paris par trois think tanks proches du PS, la Fondation Jean-Jaurès, Terra Nova et la Fondation européenne d’études progressistes. Et dont la conclusion était assurée par un témoin privilégié : François Hollande en personne. Un président qui n’avait pas l’intention de se livrer là à un exercice d’introspection psychanalytico-politique, ni à un « droit d’inventaire ». Encore moins à un mea culpa.
Le chef de l’Etat entendait bien défendre bec et ongles, devant plusieurs ministres et quelque 200 députés et sénateurs, le bilan des quatre premières années de son quinquennat, et dans le même mouvement réhabiliter sa pratique du pouvoir. « Depuis le début de l’année 2016, nous étions toujours placés sur la défensive, explique son équipe. Or sans expliquer que tout va bien ni repeindre la vie en rose, on peut considérer que l’on peut être fier de ce qu’on a fait. »
A un an, presque jour pour jour, d’un second tour de l’élection présidentielle que toutes les études d’opinion lui promettent inaccessible, les ambitions du chef de l’Etat ne sont toujours pas érodées : « Le président croit en la volonté politique », assure l’un de ses conseillers. Alors que le gouvernement vient d’engager une grande offensive de printemps destinée à défendre les réalisations du quinquennat, notamment menée par le mouvement Hé oh la gauche ! lancé par le ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, M. Hollande entend capitaliser sur les bonnes nouvelles économiques des derniers jours : un nombre de chômeurs de catégorie A en forte baisse de 1,7 % au mois de mars ; une croissance de 0,5 %, plus importante que prévu, au premier trimestre 2016, selon l’Insee ; une consommation et un investissement en hausse, respectivement de 1,2 % et de 0,9 %.
« Il faut que tout ceci soit confirmé dans la durée, bien sûr. Mais quand tu commences à partager les ondes positives, ça devient communicatif. L’état d’esprit du “fighting spirit” commence à se diffuser », veut-on croire à l’Elysée, où règne ces jours-ci un optimisme qui tranche avec l’abattement du mois dernier.
« Impressionnante œuvre transformatrice »
François Hollande n’a donc en rien renoncé à marteler que « ça va mieux », comme il l’avait affirmé lors de l’émission « Dialogues citoyens », le 14 avril, à l’époque sans convaincre. Bien au contraire. Exactement quatre-vingts années après l’arrivée au pouvoir du Front populaire à l’occasion du deuxième tour des législatives du 3 mai 1936, il saisit donc l’occasion de ce colloque pour resituer, dans l’histoire de la gauche au pouvoir, l’action entreprise depuis 2012, et évidemment pour s’essayer à réhabiliter celle-ci.
Dans un discours qu’il a longuement peaufiné, plus encore qu’à l’accoutumée, relisant notamment Léon Blum, M. Hollande s’est d’abord essayé à évoquer l’exercice du pouvoir, remontant au Cartel des gauches et à 1936 : « Le Front populaire ou l’alternance de 1981 sont des moments de notre histoire nationale, et il est intéressant de s’interroger sur les leçons de cette histoire, la trace qu’elle a laissée et ce qu’on en fait aujourd’hui », explique-t-on à l’Elysée. Après quoi le président s’est employé à resituer son action dans ce « fil rouge », celui du « progrès ».
Léon Blum, Pierre Mendès France, François Mitterrand, Lionel Jospin… et lui, donc. Le chef de l’Etat a la ferme intention de s’inscrire dans cette lignée politique d’une « impressionnante œuvre transformatrice ». De rappeler que « la gauche n’a jamais accédé au pouvoir par une mer de tranquillité sous un ciel de sérénité ». Et de tirer un trait entre les réformes de ses prédécesseurs, menées en dépit d’une tenace opposition, et les siennes, présentées comme conduites elles aussi au service de l’intérêt général : « Tenir bon et savoir affronter l’adversité au point que les réformes combattues lors de leur mise en œuvre deviennent le plus souvent celles du pays tout entier quelques années plus tard. »
Plaidoyer pro domo
Des congés payés au mariage gay en passant par l’abolition de la peine de mort, mêmes combats, en somme… La « droite », et le programme de ses candidats à la primaire, est aussi, en creux quoique assez explicitement, ciblée, alors que ceux-ci rivalisent sur le terrain du libéralisme, entre choc de rigueur, gouvernement par ordonnances et plus généralement nette rupture politique. « Nous avons modernisé la France pour sauvegarder son modèle social et l’enrichir. Ce n’est pas l’un contre l’autre, c’est l’un et l’autre », explique l’entourage présidentiel.
Ce plaidoyer pro domo ne porte pas uniquement sur les réalisations de sa présidence, mais aussi sur sa méthode politique, souvent contestée, « la méthode du dialogue et du débat, résume son équipe. Nous ne croyons pas qu’il soit possible de réformer le pays en le brutalisant. Cela peut donner, parfois, le sentiment d’une trop grande recherche du compromis. Mais dès que nous n’avons pas appliqué cette méthode, nous nous en sommes mordu les doigts ». Le président n’en démord pas, et l’a récemment confié en privé : « Toutes les bonnes décisions sont des synthèses… »
Ce service après-vente présidentiel semble promis à intensification. Après avoir expliqué combien il avait œuvré pour l’école, la veille dans le cadre d’une grand-messe organisée au Palais Brongniart pour vendre le bilan des trois ministres de l’Education nationale du quinquennat, M. Hollande va multiplier ses visites sur le terrain dans les prochains jours, sur des thématiques économiques : mercredi 4 mai, probablement en Mayenne, lundi 9 mai, dès l’aube au marché de Rungis, ou encore jeudi 12 mai, en Normandie. Pour tenter de persuader, en un ultime effort, que si « ça va mieux », c’est aussi grâce à son bilan.