« Panama papers » : Pedro Almodovar abandonne la promotion de son film « Julieta »
« Panama papers » : Pedro Almodovar abandonne la promotion de son film « Julieta »
Par Sandrine Morel (Madrid, correspondance)
Les documents mis au jour ont révélé que le cinéaste espagnol et son frère détenaient un compte offshore géré par la firme panaméenne Mossack Fonseca.
Il a tout annulé : sa présence à l’avant-première de son dernier film, prévue mardi 5 avril à Barcelone, sa conférence de presse à Madrid, le jour suivant, et les interviews qui devaient suivre. Le réalisateur Pedro Almodovar a préféré sacrifier sa participation à la promotion de « Julieta », sorti sur les écrans espagnols ce vendredi 8 avril, plutôt que d’affronter les questions des journalistes. « En raison de la priorité informative de thèmes étrangers à Julieta, » s’est justifiée, laconique, sa boîte de production, El Deseo.
La « priorité informative » n’est autre que la présence des noms de Pedro Almodovar et de son frère Agustin, producteur de ses films et cofondateur d’El Deseo, dans les « Panama papers » qui révèlent depuis quelques jours, dans la presse internationale, les noms de possesseurs de comptes offshore gérés par la firme panaméenne Mossack Fonseca. Entre 1991 et 1994, époque qui coïncide avec la sortie de Talons aiguilles ou Kika, les deux hommes ont détenu une société offshore domiciliée dans les îles Vierges britanniques et gérée par Mossack Fonseca, Glen Valley Corporation. Une révélation qui fait tache dans le curriculum vitae du réalisateur espagnol, homme de gauche connu pour ses prises de position et ses affinités avec les écolo-communistes.
Selon le site d’information Elconfidencial.com et la chaîne de télévision La Sexta, la société suisse Unifinter enregistra Pedro et Agustin Almodovar comme fondés de pouvoir de Glen Valley Corporation, dont le capital social initial est de 50 000 dollars, en juin 1991. Les documents signés leur donnent alors compétence pour « administrer la société sans limite, (...) apporter des contrats, (...) recevoir ou prêter de l’argent, acheter des produits, de la marchandise, des actions, (...) ouvrir des comptes bancaires au nom de la société dans n’importe quelle banque » ou encore « avoir accès à chacun des coffres-forts. »
Néanmoins, les documents épluchés par les journalistes ne leur ont pas permis d’en savoir plus sur l’utilisation faite de la société ou le montant des fonds qui ont pu y transiter jusqu’à sa fermeture, le 11 novembre 1994.
En règle « avec toutes les obligations fiscales »
« Nous n’avons pas de commentaires à faire à ce sujet », a été la première réaction des frères Almodovar dans un communiqué laconique envoyé, lundi 4 avril, et qui se terminait par un avertissement : « Nous serons attentifs au contenu de l’information publiée, en particulier aux jugements de valeur qui pourraient être faits et porter atteinte à nos droits. » De quoi incendier davantage l’opinion et obliger Agustin Almodovar à envoyer un deuxième communiqué.
Le frère du célèbre réalisateur oscarisé y assume toute la responsabilité de la société offshore. « Dès les premiers moments de la constitution d’El Deseo, Pedro et moi nous sommes répartis les tâches (…) : j’ai pris en charge la gestion de l’entreprise et lui s’est dédié aux aspects créatifs », explique Agustin Almodovar, qui justifie la constitution de la société en 1991 par « la recommandation de (ses) conseillers, face à une possible expansion internationale de l’entreprise ». En 1990, Pedro Almodovar avait effectivement connu un grand succès avec le film Attache-moi. « Cependant, on a laissé mourir la société sans activité car elle ne collait pas avec notre manière de travailler », poursuit-il, avant d’assurer être en règle « avec toutes les obligations fiscales ». Reste que Julieta a sans doute été la première victime espagnole des « Panama papers ».