Que représentent les dotations de l’Etat dans le budget d’une commune ?
Que représentent les dotations de l’Etat dans le budget d’une commune ?
Par Alexandre Pouchard
Les maires de France tiennent cette semaine leur congrès et espèrent un « geste » du gouvernement face à la baisse de leurs crédits alloués par l’Etat.
L’Association des maires de France appelle les élus et leurs concitoyens à protester samedi contre la diminution rapide et importantes de l’enveloppe de l’Etat aux collectivités. | PASCAL GUYOT / AFP
Toujours mobilisés contre la baisse des dotations de l’Etat à leurs communes, les maires ouvrent mardi 31 mai leur congrès annuel en espérant un « geste » du gouvernement. En novembre, Bercy avait présenté une réforme du calcul de la dotation globale de fonctionnement (DGF), jugée très complexe et inégalitaire entre les collectivités.
Qu’est-ce que la dotation globale de fonctionnement ?
La dotation globale de fonctionnement (DGF) est l’enveloppe allouée par l’Etat aux collectivités locales, qui s’ajoute à leurs ressources propres issues des différents impôts et taxes.
Le budget des communes : comment ça marche ?
Durée : 03:20
En réalité, il ne s’agit pas d’une seule dotation mais de plusieurs, notamment pour les communes :
- une dotation « de base » ;
- une « dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale » pour les communes urbaines avec de lourdes charges mais peu de ressources ;
- une « dotation de solidarité rurale » pour les petites communes de milieu rural avec peu de ressources ;
- une « dotation nationale de péréquation », mécanisme de « solidarité » entre collectivités dans lequel les plus riches vont reverser une partie de leurs ressources aux plus défavorisées après un calcul complexe.
Que prévoit la réforme ?
La réforme vise à répartir la dotation en fonction des compétences exercées, et non en fonction du statut. Elle simplifie l’architecture de la dotation forfaitaire des communes en réduisant le nombre de composantes des critères d’attribution. Une dotation de base sera attribuée en fonction du seul critère de population. Les besoins propres aux communes rurales seront pris en compte, ainsi que les charges de centralité supportées par les communes centres.
Le principe de la réforme est acté mais les modalités d’applications exactes sont encore inconnues.
Que représente la DGF dans le budget d’une commune ?
Selon le ministère de l’économie et des finances, la DGF représente en moyenne 19 % des recettes réelles de fonctionnement des collectivités, loin derrière la fiscalité (60 %) : taxes d’habitation, taxes foncières, cotisation foncière des entreprises, etc. Mais cela n’est qu’une moyenne et recouvre des réalités bien différentes.
Pour une grande ville comme Lyon (500 000 habitants), dont les recettes totales de fonctionnement s’élèvent à 635 millions d’euros en 2014, la DGF représentait 16 % de ce total (105 millions d’euros), contre 58 % pour les impôts et taxes. Soit un peu moins que la moyenne avancée par Bercy.
Pour une ville de taille moyenne comme Alençon (26 000 habitants), dans l’Orne, la DGF représentait en revanche 39 % des recettes totales de 31 millions d’euros, devant les impôts et taxes (24 %).
Pour la petite commune de Sanna, dans la Creuse (395 habitants), elle représentait près de la moitié des recettes de fonctionnement (44 %).
Pourquoi l’Etat diminue-t-il ses dotations ?
Rappelons pour commencer que les dotations de l’Etat n’ont cessé d’augmenter depuis plusieurs années avant de diminuer récemment.
Le projet de loi de finances pour l’année 2014 avait prévu une diminution de 1,5 milliard d’euros de l’enveloppe globale pour les collectivités cette année-là, puis de 3,67 milliards par an jusqu’en 2017 (dont 2 milliards pour les communes et intercommunalités).
La dotation de 2017 sera ainsi inférieure de 11 milliards d’euros à celle de 2014 et en retrait de 12,5 milliards par rapport à 2013.
Cette trajectoire s’inscrit dans un contexte global de réduction des dépenses de l’Etat pour réduire le déficit public, la France ayant pris l’engagement européen d’avoir un budget au déficit inférieur à 3 % de son PIB en 2017 – un délai repoussé trois fois depuis 2009.
Le ministre des finances, Michel Sapin, a minimisé, le 16 septembre lors d’une conférence de presse, l’effort demandé aux collectivités :
« [Leur] demander un effort, c’est la moindre des choses lorsque par ailleurs on demande des efforts de réduction de la dépense publique. [Il s’agit d’un] effort à proportion moindre que celui qui est demandé à la sécurité sociale ou à l’Etat. »
Des communes en difficulté
Cette diminution programmée et effective représente un coup dur pour certaines communes. Selon le président de l’AMF et maire (LR) de Troyes, François Baroin, qui s’exprimait dans Le Parisien (et qui avait gelé les dotations aux collectivités locales en 2010 quand il était ministre du budget), la situation est telle que « d’ici à la fin de l’année, entre 1 500 et 3 000 communes seront sous tutelle [procédure préfectorale automatique en cas d’important décalage entre le budget prévisionnel et le budget réalisé]. Et beaucoup plus dans les mois qui suivront. »
Ce chiffre est contesté par la ministre de la décentralisation, Marylise Lebranchu, pour qui seules « une trentaine » de communes sont « en grave difficulté budgétaire », tandis qu’« environ 1 300 [sont] surveillées par le réseau d’alerte de l’Etat », sur 36 000. Mais « c’est une situation relativement courante et très différente de la faillite », a-t-elle assuré dans La Gazette des communes.
Selon l’AMF, la baisse des crédits de l’Etat a entraîné, en 2014, une baisse de l’investissement des communes de 12,4 %, pouvant avoir des répercussions sur le secteur du bâtiment. Le secteur associatif a lui pâti de la baisse des recettes des communes.
Des dépenses en augmentation...
Cette baisse des dotations s’inscrit également dans un contexte d’augmentation des charges et donc des dépenses des communes. Dans un rapport publié en juin 2013, la Cour des comptes soulignait que dans une période de budget au régime maigre, « les dépenses de fonctionnement des administrations publiques locales progressent », alors que les investissements « stagnent, voire diminuent ».
Les effectifs, notamment, ont progressé depuis le début des années 2000, une évolution liée en partie à l’apparition des intercommunalités, sans que le personnel diminue dans les communes elles-mêmes.
Les dépenses de personnel du bloc communal (communes et intercommunalités). | Cour des comptes
... dépenses en partie dues à des obligations
Ces dernières années, l’augmentation du personnel est en partie due à la réforme des rythmes scolaires, qui a souvent nécessité l’embauche d’animateurs. Une étude de l’AMF, menée en avril 2015 auprès de 450 communes (représentant 9,2 millions d’habitants), sur les charges pesant sur leurs budgets fait apparaître que la réforme des rythmes scolaires est la plus régulièrement mentionnée comme cause de progression des effectifs.
Elle a ainsi représenté un coût supplémentaire de 30 000 euros pour une petite commune de 2 200 habitants, 120 000 euros pour une ville de 30 500 habitants, 500 000 pour une ville de 52 000 habitants ou encore 2,2 millions d’euros pour une ville de plus de 100 000 habitants.
Les maires soulignent également les « nombreuses demandes » concernant la mise aux normes des bâtiments publics et de la voirie, notamment en terme d’accessibilité. La conséquence a souvent été une augmentation des impôts locaux, en premier lieu des taxes d’habitation et foncière.
Pour tenter d’éteindre l’incendie de la contestation, le premier ministre, Manuel Valls, avait annoncé fin août la création d’un fonds d’un milliard d’euros pour soutenir les projets des communes et intercommunalités.
François Hollande a ensuite annoncé qu’une moitié de ce fonds « accompagnera les projets de transition énergétique, d’infrastructures, de logement. L’autre moitié sera destinée aux territoires ruraux. »