Strasbourg a l’habitude d’être au centre de l’Europe. C’est un peu moins le cas de son équipe de basket, la Strasbourg Illkirch-Graffenstaden (SIG), qui, par un parcours sortant de l’ordinaire, ramène sur la France les projecteurs du basket continental. Les clubs tricolores vivent depuis le début du siècle dans l’ombre portée d’une équipe nationale multimédaillée, et disparaissent généralement des compétitions européennes avant la fin de l’hiver. En voilà un qui s’est fait une place sur le devant de la scène.

Certes ce n’est pas l’Olympia, mais ce n’est pas non plus le Théâtre des Deux-Anes. L’Eurocoupe, dont Strasbourg dispute la finale (en match aller-retour) face à Galatasaray d’Istanbul, est la deuxième compétition européenne, derrière l’Euroligue dont la phase finale est réservée aux 16 meilleurs clubs du continent.

La finale

Match aller : ce soir, 21h00, au Rhénus de Strasbourg (en direct sur Ma Chaîne Sport)

Match retour : mercredi 27 avril, 19h00 (heure française), à l’Abdi Ipkeçi Arena d’Istanbul (en direct sur Ma Chaîne Sport)

Cinq majeur de Strasbourg : 13. Louis Campbell (USA) ; 3. Rodrigue Beaubois (Fra) ; 34. Kyle Weems (USA) ; 1. Mardy Collins (USA) ; 21. Bangaly Fofana (Fra). Meilleur marqueur en Eurocoupe : Beaubois, 13,3 points par match.

Cinq majeur du Galatasaray : 3. Errick McCollum (USA) ; 32. Sinan Guler (Tur) ; 5. Vladimir Micov (Ser) ; 1. Blake Schilb (USA) ;13. Stéphane Lasme (Gab). Meilleur marqueur en Eurocoupe : McCollum, 18,7 points par match.

A ces hauteurs, l’oxygène se raréfie pour les clubs français, qui avaient plutôt tendance à s’évanouir en huitièmes de finale de C2. Partant, Strasbourg revendique la position d’outsider. « Ils ont des pointures qui font d’eux une équipe de niveau Euroligue, assure au Monde Vincent Collet, l’entraîneur de la SIG. Leur meneur, Errick McCollum, vaut à lui seul notre masse salariale. Ils ont six joueurs très forts, qui seraient chacun la star de notre équipe. » Les spécialistes ne lui donnent aucune chance : « C’est que le basket français n’est pas respecté. On n’impressionne personne, que ce soit sur le banc ou la façon de jouer », déplore le sélectionneur des Bleus.

Galatasaray, plus connu pour son club de football, s’est sorti d’un tableau final plus difficile que Strasbourg, en éliminant le Bayern Munich puis les Espagnols de Gran Canaria. Sa troisième place actuelle dans le très relevé championnat turc rappelle que le club rouge et jaune évolue, sportivement et financièrement, dans d’autres sphères que la SIG.

« On n’est pas à égalité mais c’est une finale, donc ça dépend beaucoup de la façon dont on va l’aborder », estime Collet.

« Dans ces grands matchs, quand vous volez la confiance d’une équipe qui s’attend à ce que ce soit limpide, vous avez une chance. Il faut mettre un grain de sable dans leur mécanique, les bousculer, faire en sorte qu’ils soient surpris, car eux ne nous calculent pas trop. »

L’entraîneur de l’équipe de France convoque ses grandes heures et son plus beau coup : l’élimination de l’Espagne, chez elle, en quarts de finale de la Coupe du monde 2014 : « En gros, il faut refaire ce coup. Ils se préparent à une confrontation dans laquelle il ne peut rien leur arriver. Si, à un moment donné, ils se disent : “Merde, ce n’est pas ce qu’on pensait”, ça peut les dégonfler. A ce titre, le premier quart-temps est très important. Il faut mettre les herses, poser les barbelés, les empêcher de prendre confiance en étant agressifs. »

« On peut se faire bouffer par l’enjeu »

D’autant que Galatasaray, avec son jeu rapide, mise sur des moments de folie pour marquer dix points en deux minutes, loin du jeu posé, fondé sur l’équilibre attaque-défense, de Strasbourg. Garder la maîtrise du rythme du match sera donc essentiel.

Voilà deux semaines que Vincent Collet, avec ses assistants, « dissèque », « décante », « extrait la substantifique moelle » du jeu adverse. Il a vu une dizaine de matchs, a recueilli les conseils d’Adrien Moerman, un Français exilé dans le championnat turc. Puis il a transmis, au compte-gouttes. « Ce qui compte, ce n’est pas la somme d’informations dont nous disposons, mais celles que les joueurs seront capables de s’approprier. Leur nombre doit être limité, même si leur motivation fait qu’ils ont une capacité d’absorption d’informations supérieure. »

L’effectif strasbourgeois est un alliage de joueurs français habitués de la Pro A, d’Américains fidèles et de deux joueurs capables de briller dans les grands matchs, Rodrigue Beaubois et Mardy Collins. Aucun, cependant, n’a l’expérience du plus haut niveau européen, à l’inverse des joueurs de Galatasaray. Même chose sur le banc, où s’assied l’entraîneur et sélectionneur turc Ergin Ataman qui a atteint deux fois le Final Four de l’Euroligue. D’où l’inquiétude de Collet :

« Eux ont une forme de maîtrise, ils ne vont pas disparaître. Nous, c’est possible. On peut se faire bouffer par l’enjeu. Ma crainte est qu’on ne joue pas libérés. Donc je n’arrête pas de leur dire de profiter, qu’on a tout à gagner. On risque de ne jamais revivre ces moments-là. »

« Ne pas être les pauvres Calimero lâchés dans l’arène »

L’ambiance survoltée de l’Abdi Ipekçi Arena, au retour, peut liquéfier le plus expérimenté des basketteurs. Surtout un Strasbourgeois habitué à l’atmosphère presque feutrée du hangar du Rhenus et ses 6 200 places.

Les Stambouliotes étaient soixante mille à vouloir vivre le match retour, mercredi 27 avril, de leur première finale européenne. Heureusement pour la SIG, la salle ne contient que douze mille places. Suffisant pour faire trembler les murs et les bras aux lancers francs.

« Il y aura tellement de bruit dans la salle que la communication sera compliquée », prévient Vincent Collet. L’entraîneur des Bleus garde le souvenir d’un match face à la Turquie aux championnats du monde 2010, dans une autre salle d’Istanbul, lors duquel il n’arrivait même pas à se faire entendre de ses joueurs lors des temps morts.

« Entre les deux matchs, nous ferons des entraînements sans parole, avec un codage gestuel, car je sais qu’ils ne m’entendront pas », précise-t-il.

« L’autre aspect, c’est l’image que l’on va renvoyer dans cette atmosphère très chaude : il faudra montrer notre volonté d’en découdre. Ne pas être les pauvres Calimero qu’on a lâchés dans l’arène. Non pas pour le public adverse, car ceux-là, nous ne les ferons pas taire, mais pour les arbitres, par exemple. »

La SIG puisera quelques sources d’espoir dans ses résultats en déplacement cette saison en Eurocoupe (une seule défaite, dans un match sans enjeu). C’est à chaque fois à l’extérieur qu’elle a conquis sa qualification, au forceps. Mais Galatasaray a gagné dix matchs sur onze dans sa salle cette saison, avec dix-huit points d’avance en moyenne lors des matchs couperets.

Le vainqueur sera invité à jouer l’Euroligue la saison prochaine dans un nouveau format, réunissant seize équipes s’affrontant en match aller-retour. De quoi prendre quelques claques et beaucoup d’expérience pour les joueurs strasbourgeois, et conforter les ambitions du club, lancé dans un projet d’agrandissement du Rhénus et d’extension de son budget de 6 à 10 millions d’euros d’ici à quatre ans.

Teaser SIG Strasbourg / Galatasaray
Durée : 01:33