Le maire de Bordeaux, Alain Juppé. | ERIC FEFERBERG / AFP

Après la théorie, Alain Juppé s’est essayé aux travaux pratiques. Pour tester ses propositions économiques, le candidat à la primaire de la droite a choisi vendredi 13 mai un territoire connu, son ancien fief parisien du 18e arrondissement, dont il a été l’élu de 1983 à 1995. Une matinée de rencontres autour du thème de l’emploi a été organisée par ses soutiens parisiens, avant une séance de dédicace de son nouvel ouvrage Cinq ans pour l’emploi dans une librairie du quartier. L’occasion pour le candidat à la primaire de la droite de marteler les propositions libérales développées dans son livre. « Après avoir présenté son projet économique mardi devant des chefs d’entreprise, Alain Juppé souhaite en parler avec les Français et les écouter », acquiesce Pierre-Yves Bournazel, le patron des Républicains dans le 18e arrondissement de Paris.

« Faites comme si je n’étais pas là », lance le maire de Bordeaux en s’asseyant dans la salle de réunion de l’école de la deuxième chance. Une dizaine de chefs d’entreprise expliquent leur mode de recrutement et leur difficulté à pourvoir certains emplois. Alain Juppé écoute en mâchouillant nonchalamment sa branche de lunettes. Au bout d’un moment, il coupe : « La situation actuelle est scandaleuse, puisqu’on a des postes vacants et des candidats mais pas d’embauche. » L’ex-premier ministre a des messages à faire passer. Il vante les métiers de l’hygiène et de la propreté ou de la boulangerie, « très valorisants mais dont l’image n’est pas à la hauteur » et peste contre « des réglementations aberrantes », comme l’interdiction pour les apprentis de travailler avant 6 heures du matin, alors que, « dans la boulangerie, le pain se prépare à 5 heures ».

« Quelle est votre musique favorite ? »

Après avoir remercié ses interlocuteurs, Alain Juppé entre dans une salle de classe. Debout et mains dans le dos, il n’hésite pas à cribler de questions les élèves : « Quel est votre projet ? », « Vous avez signé avec une entreprise ? », « Quelle est votre musique favorite ? ». Les étudiants, pétrifiés, n’osent pas répondre. « J’écoute de tout », tente une jeune fille. « Y compris de la musique classique ? C’est des choses à connaître », taquine Alain Juppé avant de s’éclipser, non sans avoir posé pour quelques selfies.

A quelques encablures de là, il est attendu par les dirigeants de l’Argus de la presse, une entreprise d’intelligence économique spécialisée dans la veille médiatique. Cette société aux 460 employés fournit des revues de presse ciblées à ses clients, parmi lesquels PSA, le ministère de la justice ou… la mairie de Bordeaux. « On ne devrait pas le dire, mais on vous soutient un peu », glisse le directeur général Alexis Donot avant de débuter une présentation Powerpoint. Il évoque les pesanteurs administratives qui pèsent sur son entreprise, laquelle génère des bénéfices, « mais de moins en moins ».

Alain Juppé prend quelques notes et questionne les dirigeants sur les raisons des blocages. Laurence D’Aramon, la présidente, s’emporte contre les inspecteurs du travail. Alain Juppé acquiesce : « Ces administrations se comportent parfois comme des travailleurs indépendants. Elles ne sont pas assez dirigées par leurs ministères, il faut passer d’une culture de la suspicion à une culture de la confiance. » Le candidat à la primaire de la droite propose également que « des référendums d’entreprise soient organisés avec l’accord d’un syndicat ». Ses interlocuteurs font la moue. « Ça ne suffira pas, ce ne sont pas vraiment des partenaires, ils ne comprennent que la logique sociale », considère Alexis Donot. L’ex-premier ministre reste impavide et glisse quelques mots doux : « Les entreprises comme la vôtre doivent être chouchoutées. » Quelques instants plus tard, alors qu’il attend la voiture qui doit le transporter à sa séance de dédicaces, Alain Juppé s’enthousiasme : « Ça recoupe ce que j’entends partout. »